Rien ne semblait prédestiner Brian à consacrer son énergie aux animaux, mais tout a changé suite à une vidéo de la campagne "Stop Gavage". Zoom sur un parcours inédit et bien inspirant !
Brian, jusqu’à il y a quelques années, tu ne t’es jamais vraiment intéressé aux animaux et tu adorais la viande, comment es-tu devenu vegan et a intégré l’équipe de L214 ?
En effet ! Mais tout a changé en décembre 2006, quand je suis tombé sur une vidéo de Stop Gavage* sur Internet. C’était une vidéo sur le gavage des canards. J’ai vraiment été choqué. J’ai tout de suite signé la pétition et arrêté le foie gras.
Environ trois mois plus tard, j'avais pas mal cogité. J’ai fini par me dire que pour la viande c’était pareil, et j’ai donc décidé d’arrêter aussi la viande. J’ai mangé encore du poisson pendant un mois en essayant de me persuader qu’il n’y avait pas de problème pour les poissons, puis je me suis renseigné et, évidemment, c’était horrible. Par contre, consommer des produits laitiers et des œufs ne me questionnait pas, d’autant plus que je les consommais bio. Comme pour beaucoup, j’avais une image bucolique du bio, des images de prairies dans la tête, et pour moi à l’époque, le problème c’était l’élevage, je ne pensais pas à l’abattage.
« Quand j’ai compris qu’on pouvait vivre sans manger les animaux,
j’ai enfin pu percevoir l’animal comme une autre personne
qu’il est injustifiable de tuer. »
Ça ne me choquait pas qu’on doive tuer pour ce que je croyais être une nécessité (manger de la viande). Mais quand j’ai remis en cause le naturalisme et que j’ai compris qu’on pouvait vivre sans manger les animaux, j’ai enfin pu percevoir l’animal comme une autre personne qu’il est injustifiable de tuer. Puis, en discutant sur des forums végétariens, j’ai vite compris que le lait et les œufs c’était pas top non plus pour les animaux… L’été 2007, je suis devenu vegan.
Comment a réagi ton entourage ?
Je n’ai pas eu de pression de la part de ma famille, mais je sentais bien que ce n’était pas accepté. J’ai découvert tout ça en même temps que ma compagne de l’époque, nous étions en train de nous installer ensemble et on est devenus végétariens tous les deux. Avec le temps, ma famille a fini par beaucoup mieux accepter mon choix.
Quand as-tu commencé à militer ?
J’avais déjà une sensibilité écolo.
Actuellement, je m’intéresse toujours à l’environnement ainsi qu’à la faim et à la misère dans le monde. Même si je ne milite pas directement pour ces causes, j’agis indirectement puisque je travaille à la promotion du véganisme. Que le véganisme soit positif pour d’autres humains ou pour l’environnement, c’est une vraie valeur ajoutée ! Si on utilisait les céréales et les légumineuses destinées aux animaux d’élevage pour nourrir directement des humains, on pourrait vraiment faire baisser la faim dans le monde. En avoir conscience permet de se recentrer sur les vrais sujets : arrêter ou diminuer sa conso de viande, c’est beaucoup plus efficace que de prendre une douche au lieu d’un bain.
La question de l’enfermement dans les prisons m’a aussi toujours beaucoup touché. En lisant Pourquoi faudrait-il punir ? de Catherine Baker, je me suis rendu compte que les prisons, même dans les pays démocratiques, sont comme des zones de non droit pour les détenus.
La question de la Corée du Nord m’interpelle aussi beaucoup. Comme, à part Amnesty International, il n’y a que très peu d’asso en France qui traitent du sujet, j’avais pensé à créer une association et j’ai pris contact début 2014 avec Liberty In North Corea (LINK), une structure nord-américaine. Je voulais essayer de relayer leurs actions en France. LINK a pour objectif de lever des fonds pour aider les Nord-Coréens à fuir la dictature en franchissant la frontière chinoise, puis à faire en sorte qu’ils soient protégés jusqu’à ce qu’ils atteignent la Corée du Sud ou les USA. Avec une autre personne motivée, on a projeté d’organiser des conférences et des projections pour lever des fonds, mais c’était compliqué et ça n’a jamais abouti : LINK étant une structure américaine, et la Corée du Nord étant très éloignée de notre quotidien en France, c’était vraiment difficile de toucher les gens. J’ai aussi l’impression qu’aux États-Unis les gens donnent beaucoup plus facilement aux associations qu’en France, où l’argent est très tabou. Par exemple pour les legs, aux États-Unis, la plupart des gens rédigent leur testament quand ils se marient. Ici, on a l’impression que si on rédige son testament, on va mourir !
Et par rapport aux animaux ?
Les images sur la souffrance des animaux d’élevage m’ont vraiment choqué, voir un être souffrir ce n’est pas rien. J’étais devenu vegan, mais je voulais faire plus, je voulais que les choses changent.
J’ai rencontré des personnes motivées dans ma ville, Lyon, et on a décidé de créer l’association Dignité Animale. On traitait un peu tous les thèmes liés à l’exploitation animale, mais Dignité Animale était surtout axée sur les cirques avec des animaux et la fourrure. On ne s’occupait pas de l’expérimentation animale car il y avait déjà une autre association locale, le Glaive, qui était active sur ce sujet.
« Les images sur la souffrance des animaux d’élevage
m’ont vraiment touché,
voir un être souffrir ce n’est pas rien. »
Par rapport aux cirques, comme des municipalités avaient signé des arrêtés municipaux pour interdire les cirques avec animaux, on s’est dit qu’on pouvait sans doute faire bouger les choses de ce côté-là. Sur une cinquantaine de communes du Grand Lyon contactées, cinq ont signé un arrêté interdisant les cirques avec animaux. Certaines n’étaient pas du tout intéressées, d’autres vaguement mais ça n’aboutissait pas. L’une d’elle a signé tout de suite, car elle avait eu un incident avec un animal détenu par un cirque.
On faisait aussi des rassemblements devant les cirques, ce qui est loin d’être facile. En 2010, sous le prétexte officiel que les gens du cirque allaient organiser une contre manifestation, les CRS nous ont obligés à aller dans une rue éloignée et vide. On a porté plainte contre l’État, trois ans après le jugement a été rendu en notre défaveur…
On organisait aussi une marche annuelle contre la fourrure à Lyon, on était une cinquantaine - c’est dur de mobiliser les gens ! Bien sûr, on faisait aussi des stands d’info. Au début, on distribuait des tracts qu’on avait gratuitement par L214 et One Voice, puis on a imprimé nos propres tracts avec les fonds qu’on récupérait sur les stands et par les adhésions.
En 2013, il y a l’action en faveur de Baby et Népal, deux éléphantes ayant autrefois appartenu au cirque Pinder et exhibées depuis des années au zoo du Parc de la Tête d’Or, à Lyon : suspectées d’être porteuses de la tuberculose, un arrêté préfectoral avait été pris le 11 décembre 2012 pour qu’elles soient euthanasiées au titre du principe de précaution. L’affaire a rapidement pris une tournure nationale, notamment quand Brigitte Bardot a menacé de s’expatrier en Russie si elles étaient tuées. Dignité Animale a organisé en janvier 2013 une marche au parc de la Tête d’Or qui a rassemblé environ 200 personnes et divers médias nationaux. Après bien des rebondissements, les éléphantes ont fini par être sauvées. Elles connaissent enfin des jours heureux dans un refuge à Monaco, et il s’est finalement avéré qu’elles n’étaient pas porteuses de la tuberculose.
Comment en es-tu venu à t’investir à L214 ?
Quand j’étais à Dignité Animale, je voulais militer de manière sectorielle en agissant pour abolir ce qui semblait le plus facile, comme le cirque ou la corrida. Puis, j’ai décidé de consacrer mon temps pour militer en faveur des animaux d’élevage, où le nombre de victimes est astronomique. J’ai compris qu’il suffit qu’une cantine propose des menus végés ou même qu’une personne arrête ou réduise sa consommation de viande pour que ça ait déjà un impact sur le nombre d’animaux épargnés. Pour moi, sauver le plus d’animaux possible était devenu une priorité : c’est pour ça que je me suis tourné vers L214.
J’ai commencé par faire beaucoup de tractages Monoprix et je participais bien sûr aux actions en général, par exemple à des actions compteur. J’essayais aussi de mobiliser d’autres personnes.
« Sauver le plus d’animaux possibles était devenu ma priorité :
c’est pour ça que je me suis tourné vers L214. »
Professionnellement, j’avais travaillé un temps dans les fruits et légumes, puis dans de l’administratif, mais depuis 2012, j’attendais d’être engagé au magasin Un Monde Vegan (UMV) qui devait ouvrir à Lyon. Pour moi, c’était un moyen d’allier ma vie professionnelle à une forme de militantisme, même si c’est un commerce, UMV œuvre en effet à la diffusion du véganisme. Vu que j’étais à ce moment-là sans emploi et comme ce projet prenait beaucoup de retard (la boutique UMV a finalement ouvert à Lyon en novembre 2015), je me suis de plus en plus investi à L214, et j’ai commencé à y travailler en tant que salarié en novembre 2014. Comme toutes les personnes de l’équipe, je suis assez polyvalent. Actuellement, je travaille sur la campagne en faveur des poules pondeuses, je suis également un des coordinateurs du réseau national, je m’occupe aussi entre autres de l’agenda animaliste, de certaines lettres d’infos et je suis la personne référente des actions sur Lyon, et j’occupe encore plein d’autres fonctions : il y a tant à faire pour les animaux !
Finalement on peut dire qu’une vidéo a complètement changé ta vie !
Oui, ce sont vraiment ces images de gavage qui ont été le déclic.
Avant la vidéo sur le foie gras, j’avais vu des vidéos trash sur la fourrure mais ça ne me concernait pas directement. Ok, j’avais signé la pétition, mais comme je ne portais jamais de fourrure, ça ne remettait pas du tout en question mon quotidien. Par contre, pour le foie gras, les images m’avaient vraiment interpellé, elles ne me quittaient pas.
J’adorais la viande, j’en mangeais à tous les repas, j’y ai pourtant renoncé vraiment facilement quand j’ai réalisé ce que les animaux enduraient. Tout au début de mon véganisme, je ne savais même pas que les laits végétaux existaient : j’ai donc remplacé mon bol de lait/corn-flakes du matin par de la compote et des fruits. Je m’étais seulement renseigné sur l’apport protéique, et je me suis mis à manger des lentilles en conserve. J’ai progressivement appris à cuisiner avec ma compagne actuelle (qui était végétarienne bien avant qu’on se rencontre, et qui est ensuite devenue vegan), et aujourd’hui j’aime bien cuisiner, même si je me limite aux préparations simples. Je suis vraiment parti de zéro : au début, je mangeais des lentilles en boîte, des pâtes, du riz et du tofu sans assaisonnement !
« J’adorais la viande, j’en mangeais à tous les repas,
mais j’y ai renoncé vraiment facilement
quand j’ai réalisé ce que les animaux enduraient. »
Je suis plutôt optimiste pour l’évolution de la question animale. Depuis que je milite pour les animaux, j’ai vraiment noté une différence, j’ai l’impression que ça commence à devenir une vraie question de société. Il y a une dizaine d’années, si la question animale était abordée par les journalistes, c’était sur le ton de la moquerie ou du mépris. Maintenant, il y a au moins le respect de débattre de cette question. Les gens ne sont pas insensibles, c’est juste qu’ils ne sont pas informés, comme cela a été aussi mon cas. Quand ils découvrent ce qui se passe dans les élevages, par exemple le broyage des poussins, ils sont offusqués : faire passer l’information, montrer des vidéos, c’est vraiment super important, c’est ça qui fait bouger les choses.
* Stop Gavage est le nom du collectif créé en 2003 contre le gavage des canards et des oies, par les militants qui créeront par la suite L214, en 2008.