"Je vais simplement te raconter mes émotions et réflexions au cours de cette corrida"

  • Article du Lundi 15 juillet 2013

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Nous publions le témoignage d'un jeune homme, qui livre à une militante son sentiment sur une corrida à laquelle il a assisté.

Bien que sensible à la condition des animaux, lui-même n'est ni engagé dans le militantisme, ni végétarien ; pourtant, son récit volontairement neutre dit toute l'horreur ressentie.


« Je vais te raconter mon ressenti. Je ne me place donc pas sur un plan moral, je ne défends pas une cause ou une autre, je vais simplement te raconter mes émotions et réflexions au cours de cette corrida.

C'était il y a une dizaine d'années, ma copine de l'époque m'avait amené à une corrida à Aix je crois, mais je n'en suis plus très sûr. Le cadre est assez impressionnant. Ces tribunes circulaires autour de ce champ de sable à la couleur chaude créent immédiatement une sensation esthétique intéressante, une impression d'intimité, de proximité également, comme sur un court de tennis à Roland-Garros.

Le cérémonial de présentation des toreros est intéressant, très ritualisé. Malgré tout, on se prend à admirer en quelque sorte ces déments qui vont aller affronter des taureaux de 500 kg.

Quand la corrida commence, tout bascule... Je ne me souviens plus exactement de la chronologie du déroulé mais je sais que des hommes à cheval, les picadors je crois, armés de lances abominables, "testent" les taureaux, selon les termes de la tauromachie mais en réalité commencent à les affaiblir en leur infligeant des blessures sanguinolentes. J'ai entendu plusieurs amateurs se plaindre d'ailleurs de la cruauté de ce moment. Ensuite, comme une pause dans la gradation de la violence, le torero place des banderilles sur le dos de l'animal. L'impression de boucherie est moindre, la scène est presque chorégraphiée.

Ensuite, les passes avec la cape entre le torero et l'animal semblent presque suspendues hors du temps. Il y a comme une forme de beauté, impression assez vite estompée par la fatigue de plus en plus visible de l'animal. Personnellement, j'en venais à espérer que le torero se fasse encorner, dans une sorte de réflexe de vengeance primitif.

La mise à mort est tout simplement abominable. Le torero, armé d'une épée, s'y reprend parfois à plusieurs fois pour viser un point particulier du taureau. Le sang coule à flots, parfois la bête tousse du sang. Ensuite, le torero la fait tourner en rond pour l'étourdir jusqu'à ce qu'elle meure. C'est horrible, j'en avais la nausée. En l'écrivant aujourd'hui, j'en ai encore la nausée.
Mais la vue du sang en général me donne la nausée, ce n'est pas le sang le pire : le pire c'est cette façon de donner la mort : elle semble douloureuse, aléatoire, barbare. Je pensais sans arrêt : "la mort est une chose trop sérieuse, trop grave pour la pratiquer de cette manière".

Comme tu le vois, il ne s'agit pas d'un manifeste contre la tauromachie à proprement parler mais les valeurs qu'elle véhicule, peut-être sans le vouloir, que sont l'injustice, l'inégalité des forces et la barbarie dans l'acte de donner la mort, sont des valeurs qui ne seront jamais les miennes. »


photos :

  • Jean-Marc Montegnies / Animaux en péril
  • Uhanu sous creative commons