On n’est pas près de se coucher !

  • Article du Dimanche 14 octobre 2012

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Le foie gras, tout le monde connaît. Rares sont les personnes en France qui n’en ont pas au moins goûté une fois. Encore plus rares sont, peut-être, celles qui savent comment est réellement produit le foie gras. Sans doute savons-nous vite fait qu’il s’agit du foie d’un canard ou d’une oie à qui on a forcé la main pour manger, et on imagine complaisamment des oiseaux accourant vers la brave fermière, limite impatients d’être gavés.

Ces imprécisions et ces stéréotypes ne doivent rien au hasard et sont savamment entretenus par la filière foie gras, qui n’a pas grand intérêt à ce que le tout venant sache ce qu’est exactement le foie gras. Aussi, si ce produit surabonde lors des fêtes de fin d’année, aucun emballage, aucune publicité, ne donneront la moindre information quant à la façon dont il est obtenu. Le Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras (CIFOG) évite méticuleusement toute référence au gavage et à l'animal, et entoure le foie gras d'une aura de luxe et de magie. Une autre stratégie qui a fait ses preuves consiste à tourner en dérision les animaux et leurs souffrances ainsi que ceux et celles qui prennent leur parti. Facile, mais efficace. L’émission de Ruquier du 6 octobre dernier, On n’est pas couché, nous en a offert une magnifique illustration.

On n'est pas couché

L’émission commence par l’habituel Flop Ten, qui – comme son nom l’indique – répertorie les dix meilleurs « flops » de la semaine, à savoir les échecs ou les mauvaises idées. Hé bien, pour Ruquier, défendre les animaux est une très mauvaise idée, puisqu’il place en cinquième position Roger Moore pour son soutien à une campagne anti foie gras. L’ex James Bond a en effet prêté sa voie à une association qui dénonce la maltraitance des canards (1), ce qui lui vaut ce commentaire acerbe de Ruquier : « Quand Roger Moore était James Bond, il se battait pour sauver la planète, maintenant il se bat pour sauver des canards, c’est moche de vieillir hein ! » Puis c’est la diffusion d’une parodie de trente secondes finement intitulée Coin-coin ne meurt jamais, en référence au film Demain ne meurt jamais.

À peine le public qui est là pour ça a-t-il finir d’applaudir, que Ruquier prend les devants et interpelle son collaborateur, Aymeric Caron : « Aymeric, allez-y allez-y ! Dites-nous qu’il ne faut pas [manger du foie gras], les téléspectateurs ne le savent pas encore, mais maintenant qu’on le sait, puisqu’on est allé au restaurant ensemble : il est vé-gé-ta-rien ! » Sans se démonter, Caron défend Roger Moore et explique que « contrairement à ce que disent les partisans du lobby du foie gras, ça fait souffrir les oies, ça fait souffrir les canards », soulignant que « c’est la raison pour laquelle la Californie a fait entrer en vigueur en juillet dernier une loi qui avait été votée en 2004 qui interdit la vente et la production de foie gras ». Mais Ruquier, hilare, lui coupe la parole en désignant sa collaboratrice : « Regardez la tête de Natacha ! Vous la gavez déjà ! »

On n'est pas couché

Dans cette émission, il est de bon ton que Natacha Polony et Aymeric Caron s’opposent, ce qui a probablement comme objectif de nourrir les débats et de lancer des polémiques. Mais vu l’énergie avec laquelle Polony et Ruquier défendent le lobby du foie gras, on en serait presque à se demander s’ils n’y auraient pas quelque intérêt, à moins qu’ils ne pensent qu’à leurs petits plaisirs gustatifs – ce qui est finalement le plus vraisemblable.

Toujours est-il que Polony utilise sans complexe l’argument fer de lance de la filière, à savoir que « le foie gras est un phénomène naturel ». Argument affreusement grossier s’il en faut, puisque les oiseaux migrateurs engraissent peu avant leur voyage et que le stockage des graisses s'effectue surtout dans les tissus périphériques, jamais dans le foie à des niveaux équivalents atteints par l'alimentation forcée. Des oiseaux gavés tels que le sont canards et oies pour le foie gras seraient de plus totalement incapables ne fut-ce que de décoller, déjà qu’ils ont du mal à simplement respirer, leurs poumons étant comprimés par leur foie énorme et sclérosé. Et quant aux oies et aux canards d'élevage, ils ont tout simplement perdu leur instinct migratoire ! Mais qui a la volonté ou le temps d’expliquer cela dans On n’est pas couché ? Ruquier contrôle rythme et « débats », l’objectif est le rire et la provocation, pas la réflexion, surtout quant il s’agit d’animaux. Dès les premières minutes de l’émission, le ton avait déjà été donné avec l’actualité portant sur les OGM et les tests du professeur Séralini sur des rats, puisque le n°9 du Flop Ten était remporté par des « militants de la cause animale » qui lui auraient « suggéré de ‘bouffer lui-même son maïs OGM’ plutôt que de faire des tests sur des rats ». Ruquier rit de ceux qui défendent les oiseaux et s’offusque qu’on puisse seulement envisager défendre des rats de laboratoire. Partisan de la désinformation, Ruquier s’exclame « Peut-être que ces défenseurs des animaux voudraient en fait que tous les scientifiques fassent comme monsieur Jacques Servier, lui il a jamais fait de mal à un rat, voilà un homme bien, lui le médiator il l’a directement testé sur les patients vous voyez ! » (applaudissements nourris de la salle), alors que le médiator a été largement testé sur des animaux et s’est avéré cardioprotecteur chez les souris, démontrant encore une fois que le modèle animal n’est pas forcément à même de fournir des données fiables pour la santé humaine. (2)

Mais je m’égare, revenons au foie gras. C’est au tour de la Californie d’être maintenant tournée en dérision avec Romain Sardou, invité, qui trouve que « C’est des fous en Californie ! (3) Ça m’étonne pas qu’ils virent le foie gras. » La Californie est pourtant loin d’être seule dans sa « folie », et longue est la liste des États où le gavage est interdit : Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède, Norvège, Suisse, Israël, Argentine, et d’autres s’apprêtent à les rejoindre (4). Dans son combat pour le foie gras, la France est de plus en plus seule et, n’en déplaise à Polony, ce n’est pas par « rétorsion commerciale » qu’il est aujourd’hui de plus en plus internationalement proscrit, mais bien parce qu’il est reconnu comme étant un mauvais traitement dont la technique, industrielle ou non, ne respecte pas les besoins physiologiques et éthologiques des oiseaux. Par contre, c’est bien uniquement par intérêt économique que la France lutte pour sauvegarder cet élevage archaïque, et François Hollande n’a pas trahi les attentes de la filière dont il a docilement récité l’argumentaire le 28 juillet 2012 à Monlezun dans le Gers (5). Ô combien plus courageux et sensé eut été de dire la vérité et de mettre en place, à l’exemple d’Israël, une commission pour l’indemnisation et la reconversion des producteurs.

Ruquier se tourne ensuite vers autre invité : «&nbsp,Patrick Haudecoeur, est-ce que vous portez bien votre nom quand vous voyez ce genre de gavage ? » De quoi Ruquier parle-t-il en disant « quand vous voyez ce genre de gavage » ? Mystère. Les seules images diffusées de toute l’émission sur le sujet l’ont été dans la parodie, où l’on a vu pendant deux secondes chrono – je vous le donne dans le mille – trois fermières en fichu en train de gaver avec une sorte de moulinet antique des oies se trouvant dans de grandes cages en bois. Images pittoresques. L’équipe de Ruquier visiblement trouvé que des images d’archives datant des débuts du cinéma, alors que le site Stop Gavage diffuse plusieurs vidéos récentes sur le gavage. Pas un mot non plus sur le fait que près de 80% des canards exploités pour le foie gras soient enfermés dans une cage individuelle en plastique ou métallique moins grande que la surface d'une feuille A3 (6). Dans ces cages étriquées, les canards aux plumes salies ne peuvent ni se retourner ni étendre leurs ailes. Seule leur tête dépasse de la cage pour permettre le gavage. Ils n’ont aucun moyen de fuir le gaveur qui passe deux ou trois fois par jour avec une pompe hydraulique pour leur enfoncer dans la gorge 20 cm de tuyau et leur injecter en 2 ou 3 secondes jusqu'à l’estomac une bouillie de maïs dont la quantité équivalente serait, pour un humain, dix kilos de nourriture à chaque fois ! En réaction, le foie de l’animal développe rapidement une maladie appelée stéatose hépatique, caractérisée par l’hypertrophie, ce que recherchent les amateurs de foie malade gras.

Haudecoeur répond aimer le foie gras mais « avoir un petit peu arrêté », de ses raisons nous ne saurons rien puisque Ruquier lui coupe aussitôt la parole : « Tous les jours, c’était trop hein ? », blague facile qui suscite des rires et met définitivement un terme à la discussion sur le foie gras, qui ne sera pas relancée avec l’arrivée sur le plateau, plus tard, de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

Il restait pourtant tant de choses à dire (7). Que chaque année, plus de 34 millions d’oiseaux mâles sont gavés sur notre territoire pour produire du foie gras, tandis que des millions de canetons femelles sont gazés ou broyés vifs, car leur foie trop nervé serait invendable. Qu'un million d'oiseaux meurent en gavage chaque année, et que le gavage ne doit pas dépasser deux semaines sous peine de faire mourir tous les oiseaux. Qu’à l’abattage, ils sont électrocutés pour être étourdis puis saignés, mais qu’il arrive fréquemment que les oiseaux se réveillent avant ou en cours de saignée. D’ailleurs, pendant la parodie où prédominaient largement les images d’oiseaux s’ébattant en totale liberté, nous avons vu deux secondes (toujours chrono) d’une chaîne d’abattage où visiblement un oiseau était conscient, ce que personne sur le plateau n’a relevé. Et pourtant, Natacha Polony n’anime-t-elle pas un blog sur l’éducation qui se voue à « La transmission, l’éducation et l’instruction, dans toutes leurs nuances, sont les conditions de la survie de toute civilisation ; ce qui nous prémunit contre la barbarie » ? Torturer des oiseaux enfermés dans des cages minuscules, écrabouiller des canetons vivants, égorger des animaux conscients, tous ces actes ne relèvent-ils pas de la barbarie ? À moins d’être le jeu de la mauvaise foi ou d’intérêts financiers, impossible de le nier. Et ne devons-nous pas, alors, dire la vérité, ou au moins ne pas la nier ? Surtout lorsqu’on se targue d’avoir un rôle de « transmission, d’éducation et d’instruction » ? Prétendre combattre la barbarie tout en défendant le foie gras, reconnaissons qu’un tel grand écart force l’admiration.

Le foie gras n’est qu’une gourmandise qui légitime une vie sordide et douloureuse pour des millions d’animaux. De plus en plus d’États à travers le monde prennent des mesure contre cette barbarie, et nombreux sont les Français qui choisissent de fêter les fins d’années sans cette cruauté. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’augmentent chaque année les ventes de Faux Gras, une alternative 100% végétale et respectueuse des animaux que promeut Roger Moore. Nous saluons ici son engagement car, contrairement à ce qu’affirme Ruquier, il est bien plus admirable de sauver des canards pour de vrai que le monde dans des fictions.

Clem pour L214


1. Il s’agit de PETA, que Ruquier n’a pas citée.

2. Source : One Voice.

3. Romain Sardou qualifie les Californiens de « fous » après avoir expliqué leurs lois contre la cigarette, plus poussées qu’en France.

4. Source : Stop Gavage

5. Source : L214

6. Les canards gavés sont des canards dits « de barbarie », qui sont nettement plus gros que les canards colverts que nous croisons à l’état sauvage. Les 13% de canards restants sont généralement maintenus dans des enclos de 3 m2 pour une quinzaine d'animaux. Les oies sont enfermées dans des cages collectives de 1 m x 1 m pour 3 oiseaux ou bien en enclos de 3 m x 1 m pour 9 animaux. Quant au gavage, il prend 45 à 60 secondes avec des méthodes artisanales, comme celle montrée dans l’émission. Source : Stop Gavage

7. Pour connaître la vérité sur le foie gras, se reporter au site Stop Gavage


D’insignifiants accidents

  • Article du Mardi 18 septembre 2012

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Mercredi 5 septembre 2012. Un poids lourd emmenant 175 cochons à l’abattoir se renverse dans les Côtes-d’Armor. Quatre-vingt-dix cochons meurent dans l’accident. Le chauffeur, indemne et non alcoolisé, « a expliqué avoir entendu un bruit à l'arrière de sa remorque, alors qu'il amorçait le virage en côte. Les porcs engraissés, de 120kg chacun, se seraient alors déportés dans la remorque, rendant impossible la maîtrise du convoi ».

photo : des pompiers dégagent des cadavres de cochons

Photo du 17 avril 2012 vue sur lanouvellerepublique.fr

S’ils sont transportés sans séparation, les animaux peuvent être projetés d’un côté du véhicule, leur poids faisant alors basculer la remorque – 175 cochons de 120 kg pèsent quand même 21 tonnes. Ce phénomène, appelé ballant, est particulièrement susceptible de se produire lors des virages ou des freinages brusques1.

Le transport de cochons vivants nécessite des précautions ; l’Institut Technique du Porc (ITP) souligne ainsi la nécessité d’un « savoir-faire des chauffeurs pour la manipulation des porcs lors du chargement et du déchargement et la conduite sans à-coups est également déterminante pour le bien-être des porcs ». L’ITP indique que « le porc est un animal très réactif à toute perturbation : l’hyperthermie et une forte accélération du rythme cardiaque sont les manifestions les plus visibles d’un stress ». Or, poursuit l’ITP, ce stress – quelle qu’en soit la cause – est négatif pour la qualité de la viande. L’ensemble de la filière porcine a donc intérêt à « optimiser les conditions de transport pour réduire les coûts dus à la mortalité ». Des efforts sont donc effectués afin de « conserver les animaux calmes », via par exemple l’emploi de sols anti-dérapant, de brumisateurs ou le réglage de volets d’aération. Prendre des virages à une vitesse trop élevée est aussi déconseillé, sous peine (rappelle la filière porcine) que le convoi ne verse, ce qui rend le pH de la viande non-conforme et les carcasses peu présentables.

Le récent accident des Côtes-d’Armor est pourtant loin d’être un fait isolé. Une rapide recherche sur Internet donne un aperçu de l’ampleur des dégâts2, et elle ne dévoile sans doute que la partie émergée de l’iceberg. Combien d’accidents impliquant des camions renversés remplis de cochons ne sont pas relayés par les médias, et a fortiori par Internet ? Qui s’intéresse à la mort de quelques dizaines ou centaines de cochons ? Ne sont-ils pas de toutes façons tous condamnés ? Beaucoup de ces accidents ne retiennent l’attention que parce qu’ils perturbent la circulation, sont spectaculaires, ou permettent peut-être de combler une rubrique faits divers jusqu’alors restée vide.

Lorsqu’une remorque pleine de cochons bascule, beaucoup d’animaux meurent asphyxiés sous le poids des autres ou « sous le choc », c’est-à-dire d’un arrêt cardiaque ou d’un traumatisme. Si la remorque termine sa course dans l’eau, comme ce fut le cas en avril dernier en Bretagne, certains sont noyés. Ou brûlés vifs, si le véhicule prend feu, comme en Belgique il y a deux mois. Dans tous les cas, des secours et des vétérinaires sont dépêchés sur place, ainsi qu’une bétaillère pour emmener les survivants à l’abattoir – pas question de perdre de si précieux jambons. Des survivants qui n’ont d’ailleurs que quelques heures de plus devant eux, puisque c’est toujours l’abattoir qui les attend.

L’arrivée des vétérinaires prend souvent plusieurs heures, pendant lesquelles des animaux agonisent. Une fois sur place, les vétérinaires sélectionnent parmi les survivants ceux qui sont encore mangeables des autres, trop gravement blessés et euthanasiés sur place. Certains hésitent, car comme l’explique un vétérinaire dépêché sur un accident en Vendée en mai dernier (80 cochons tués) : « Les cochons sont vite stressés alors, on attend un peu pour voir s'ils se remettent sur pied ». Conclusion : au lieu d’être euthanasiés, de nombreux cochons agonisent pendant plus de deux heures sur le bas-côté de la route. S’ils sont encore vivants et indemnes, le stress et les chocs peuvent rendre la viande inconsommable ; un temps de repos est donc imposé avant l’abattage, non pas pour le bien être des animaux, mais pour sauver ce qui peut être mangeable. De toutes façons, tous les cochons survivants sont abattus car, comme l’explique un inspecteur des services vétérinaires : « c'est une fois abattues que les bêtes présentant des lésions sont consignées, pour des examens particuliers. On décide alors de l'exclusion, ou pas, du circuit commercial ».

Si des animaux s’échappent, ils sont activement recherchés. Mais pour la première fois de leur vie, ces cochons marchent sur de la terre et de l’herbe au lieu des caillebotis et du béton, fouillent le sol de leur groin, et respirent un air non saturé des terribles odeurs ammoniaquées de lisier. Les cochons ont l’odorat au moins aussi fin que les chiens, ce sont des animaux intelligents, curieux et sensibles, mais dans les élevages, plus de 95% d’entre eux ne connaissent jamais autre chose que la promiscuité dans un environnement fermé, triste et puant3. Ce n’est pas sans raison que ces conditions d’enfermement les rendent agressifs. La réponse apportée est le meulage ou l’épointage des dents (à vif), les queues coupées (toujours à vif), et un apport massif de médicaments. Histoire de leur faire tenir le coup et de les empêcher de s’entretuer. Il aura donc fallu un dramatique accident pour que ces cochons échappés d’une remorque renversée connaissent autre chose que l’ennui profond et la violence de l’élevage, découvrent un autre univers ne fut-ce que l’espace d’un instant, une première et une dernière fois, avant de subir un autre enfer : l’abattoir4. Faut-il s’étonner que certains de ceux échappés d’un semi-remorque renversé en avril vers Montréal « ont été très peu coopératifs et ont donné du fil à retordre aux pompiers en tentant de s’échapper » ? Non seulement il faut sortir les carcasses d’une remorque renversée, trier les survivants et en euthanasier certains, mais il faut encore rattraper ceux qui s’échappent et en plus ils ne se laissent pas faire. Et cette lutte salvatrice, qui pourrait être comprise comme un signe d’intelligence chez d’autres animaux, n’est perçue avec les cochons que comme une contrainte supplémentaire. Car si nous reconnaissions l’intelligence et la sensibilité des porcs, comment pourrions-nous continuer à les traiter uniquement comme de simples objets à valeur marchande ?

C’est la question que pose Christiane5, une étudiante vétérinaire, lorsqu’elle demande : « Je connais de nombreux amis des animaux qui s’enthousiasment pour les yeux animés de sentiments si profonds des chats, pour le regard indéfectiblement fidèle des chiens. Mais qui parle de l’intelligence et de la curiosité perceptibles dans les yeux d’un cochon ? »


1 - Dans pratiquement tous les cas, les conducteurs sortent – heureusement – indemnes de l’accident, la cabine ne se renversant pas.

2 - Cette rapide recherche donne :
En juillet 2012, un camion chargé de cochons se renverse et prend feu sur une sortie d’autoroute en Belgique. Les animaux survivants sont chargés dans un autre camion et expédiés à l’abattoir.
En mai 2012, 80 porcs meurent en Vendée. Afin de minimiser les pertes économiques (un cochon rapporte environ 150 €), les vétérinaires effectuent une sélection, essayant d’estimer quels animaux blessés ou en état de choc peuvent être conduits à l’abattoir puis consommés. Comme l’explique un vétérinaire : « Les cochons sont vite stressés alors, on attend un peu pour voir s'ils se remettent sur pied ». Au lieu d’être euthanasiés sur place, de nombreux cochons agonisent pendant plus de deux heures sur le bas-côté de la route (vidéo). Selon le chauffeur, ce serait le déséquilibre lié à un déplacement des animaux qui serait en cause.
Fin avril 2012, à 5h30 du matin un homme conduisant un camion avec 101 cochons perd le contrôle de son véhicule, qui finit sa course à moitié immergé dans une rivière en crue. Lorsque le camion est levé, à midi passé, on compte 29 cadavres de cochons, mort étouffés ou noyés. Des animaux blessés sont euthanasiés sur place, les autres sont conduits comme prévu à l’abattoir de Landivisiau (Bretagne).
En avril 2012, vers Montréal, une semi-remorque avec environ 200 cochons se renverse. L’article détaille peu cet accident, mais relève que « certains cochons ont été très peu coopératifs et ont donné du fil à retordre aux pompiers en tentant de s’échapper ».
En mars 2012, un camion « rempli de porcs » se couche sur le flanc, à Québec. Aucune information n’est donnée sur l’état des 170 animaux, mais un diaporama montre quelques animaux couchés, vraisemblablement blessés ou morts.
En août 2011, un poids lourd avec 180 cochons se renverse vers Laval, tuant une cinquantaine d’animaux.
En juin 2011, dans les Pyrénées, un camion se renverse « lentement » avec à son bord 64 cochons. Indemne, le conducteur libère dans les champs avoisinants les animaux, qui sont tous vivants. En une heure, ils sont récupérés et envoyés à l’abattoir.
En mai 2011, à Québec, un camion transportant 203 cochons se renverse sur une sortie d’autoroute. Les animaux se trouvent chargés sur trois paliers, dont les plateaux amovibles se détachent lors de l’accident. Un homme chargé d’évacuer les cochons explique que « tout est pêle-mêle là-dedans, les porcs, les planchers, tout est tassé dans le fond ». Des animaux meurent sur le coup, d’autres sont euthanasiés, quant aux rescapés, c’est l’abattoir qui les attend.
En mars 2010, à 4 heures du matin, le chauffeur d’un poids lourd chargé de 107 cochons s’endort sur l’A10. Le camion se couche sur le côté, glisse sur près de deux cents mètres avant de s’immobiliser sur la rambarde du périphérique. Une trentaine d’animaux périssent. Une bétaillère et les vétérinaires arrivent à 7 heures. Pendant des heures, les animaux restent dans le camion renversé, morts, vivants et agonisants ensemble, les animaux ne pouvant être évacués sur l’autoroute, car « il fallait éviter que les porcs s'égaillent sur l'autoroute. Des bêtes de 150 kilos, énervées, ça peut faire du dégât ». Le journal local titre : « 70 kilomètres de bouchons : c’est la faute aux cochons ! » La circulation des camions était interdite sur cette portion de route…
En avril 2009, suite à un accident du camion les transportant, près de 170 cochons se dispersent dans la campagne anglaise. Trente animaux sont euthanasiés. Des dizaines d’animaux échappés sont rattrapés et conduits à l’abattoir.
En mars 2006, un camion néerlandais transportant 960 cochons se renverse sur l’A7, dans la Drôme. 450 animaux périssent sur le coup, d’autres sont euthanasiés, les survivants sont parqués, ceux qui se sont échappés sont activement recherchés.

3 - Les cochons sont des animaux très propres, qui distinguent (lorsqu’on leur en laisse la possibilité) différentes aires de vies (lieu pour dormir, lieu d’aisance, lieu de baignade, etc). En été, les cochons souffrent beaucoup de la chaleur. Leur métabolisme ne leur permet pas de transpirer, et ils se rafraîchissent en prenant des bains de boue, qui protègent également leur peau nue des piqûres d’insectes.

4 - Christiane, une étudiante vétérinaire, rapporte de façon saisissante l’abattage des cochons dans son témoignage « Pour un petit morceau de viande ».

5 - Cf. note précédente.


Comment nourrir le monde en 2050 ?

  • Article du Vendredi 31 août 2012

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La dernière note d’Audrey Garric parue sur Mblog, « Serons-nous tous végétariens en 2050 ? » s’inscrit dans la continuité d’articles1 traitant cette question désormais récurrente parce qu’essentielle. Pourquoi 2050 ? Parce que, selon les projections des Nations unies, le monde devrait compter 9,1 milliards d'habitants en 2050, contre 6,8 milliards aujourd'hui. Soit 34 % de bouches à nourrir de plus.

L’année 2008 a d’ailleurs été marquée par des « émeutes de la faim ». Le sujet est complexe et si certaines causes sont très difficiles à résoudre, d’autres pourraient l’être relativement facilement. Gaspillage alimentaire, contextes politiques, changement climatique (sécheresses ou pluies aggravées), spéculations (au détriment des stocks alimentaires), biocarburants, mainmise de multinationales sur les semences, érosion et stérilisation des sols, pollution de l’eau, production de produits carnés… Si tous ces facteurs jouent un rôle plus ou moins essentiel dans la problématique « Comment nourrir le monde ? », il est désormais établi que l’élevage contribue activement au maintien et au développement de la faim en détournant de précieuses ressources nécessaires à l’alimentation humaine.

Le lien entre la consommation de viande et la faim dans le monde est un fait établi depuis plusieurs années : il y a une dizaine d’années déjà, l’Association Végétarienne de France soulignait à travers différents documents2 l’impossibilité de nourrir à la fois un cheptel grandissant et les humains dont le nombre et l’appétit carnassier vont également croissant. De son côté, le site viande-info coordonné par L214 fourmille de données récentes et d’informations argumentées. Dès 1992 un rapport de la FAO indiquait que les animaux sont de piètres convertisseurs d’énergie en alimentation humaine : si on les nourrit avec des céréales, ils ingèrent en moyenne 7 kcal pour en restituer une sous forme de viande (3 kcal pour les poulets, 16 kcal pour les bovins) ; Rajendra Pachaury, président du GIEC, illustre d’une autre façon cette inefficacité : il faut 7 à 10 kg de végétaux pour faire 1 kg de viande boeuf, 4 à 5,5 kg pour 1 kg de viande de porc. L’élevage accapare des quantités astronomiques de précieux aliments (maïs, soja, blé, seigle, avoine… ), de terres arables, d’eau potable, d’énergie, et génère de multiples nuisances et pollutions : pluies acides, nitrates, lisier par milliards de tonnes, déforestation, émission de gaz à effet de serre3

En Éthiopie, même lors des plus terribles famines des années 1970 et 1980, les exportations de céréales, de colza, de tourteaux de lin et de coton ont continué vers nos riches pays européens pour nourrir notre bétail. En 1973, le pays exporta 9 000 tonnes de céréales alors que 100 000 personnes étaient en train de mourir de faim. Les 9 000 tonnes auraient fourni à ces personnes 1 kg de céréales par jour pendant trois mois4. Il est donc littéralement exact de dire que le grain du pauvre nourrit la vache du riche.

Les enjeux actuels portent également sur l’eau, bien extrêmement précieux dont nous mesurons mal l’importance. Environ 5 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire 1 000 kcal d’aliments d’origine animale, contre 1 000 litres si l’origine est végétale5. Cinq fois moins, c’est énorme ! Audrey Garric tire le signal d’alarme : « Il n’y aura pas suffisamment d’eau disponible sur nos terres agricoles pour produire de la nourriture pour une population qui devrait atteindre 9 milliards d'habitants en 2050, si nous suivons les tendances alimentaires actuelles dans les pays occidentaux6. »

De plus, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 50% sur les marchés internationaux depuis juin étant donné les récoltes catastrophiques de maïs, soja et blé dans plusieurs pays considérés comme les « greniers du monde ». Une sécheresse historique a en effet ravagé les États-Unis et le Mexique, a sévit en Russie, en Ukraine, au Kazakhstan, la mousson a été tardive et peu abondante en Asie… Des pluies en excès ont touché l’Europe, là aussi gâtant des cultures, tandis que l’Afrique de l’Est souffre d’une troisième année consécutive d’absence de récoltes. On croise maintenant les doigts pour que l’Australie, le Brésil et l’Argentine n’aient ni manque ni excès d’eau7.

Bien sûr, pour le consommateur lambda français, toute perspective de restriction alimentaire semble impossible au vu de la gamme délirante d’aliments proposés par nos hypersupermarchés. Pour nous, « la faim » devrait se limiter à une augmentation de quelques centimes ici ou là, par exemple de celui du prix de la baguette. Comme l’écrit avec justesse Bruno Parmentier, « En Europe, le prix du pain et de la farine vont augmenter, ce qui sera mal venu en période de récession, mais n'ayons pas l'impudence de nous comparer aux Africains. ».

Il ne s’agit pas nier que la pauvreté et la malnutrition existent aussi sous nos latitudes, mais le défi alimentaire y est actuellement plutôt celui de l’accès à la qualité qu’à la quantité8.

Et Parmentier d’enchaîner : « Ces crises à répétition ne vont-elles pas nous inciter à nous interroger sur la durabilité de notre système alimentaire, qui nous amène à manger en France chaque année 85 kg de viande et 90 kg de laitages ? »

Par rapport à la faim dans le monde, par solidarité avec les 929 millions d’affamés (auquel devrait s’ajouter sous peu 30, 50 ou 70 millions de personnes supplémentaires), il est en effet urgent de passer à une alimentation végétalienne, ou au moins de réduire drastiquement notre consommation de viande.

Pourtant, les gouvernements de tous bords s’évertuent à maintenir en place et à coup de subventions conséquentes un modèle agricole et alimentaire avérés non pérennes. Non seulement la promotion officielle du végétarisme et du végétalisme n’est toujours pas à l’ordre du jour, mais les avancées sont même entravées9. Les spéculateurs ne sont visiblement pas les seuls à s’enrichir sur le dos des affamés et des animaux ; d’énormes enjeux économiques sont liés à la production de produits et de sous-produits animaux, enjeux que les bénéficiaires défendent avec acharnement, soutenus par l’importante dimension culturelle et symbolique que la consommation de viande et de sous-produits animaux occupe en France.

Heureusement, nous avons tous le pouvoir de choisir de ne pas contribuer à maintenir en place ce système insoutenable, de plus en plus ouvertement dénoncé.

Audrey Garric termine de façon étonnante son article, en relevant que « les substituts à la viande, comme les aliments faits de soja importé, pourraient en fait utiliser plus de terres cultivables que leurs équivalents en viande ou produits laitiers ». Comme si, après avoir longuement argumenté en faveur d’une alimentation végétalienne, elle s’interdisait d’en tirer la conclusion logique grâce à une étrange hypothèse, puisqu’il est complètement possible, et même souhaitable, de se nourrir de façon végétalienne sans consommer d’aliments faits de soja importé - il est heureusement facile de trouver du tofu, du tempeh ou tout autre produit à base de soja cultivé sur notre territoire. Et il est même possible de ne pas consommer de soja du tout ; une grande partie des simili-carnés (dont aucun n’est d’ailleurs indispensable) étant à base de gluten (protéine de blé).

N’oublions pas qu’en France aujourd’hui, l’alimentation animale constitue le principal débouché industriel des céréales cultivées sur notre sol. Loin d’être suffisantes, ces cultures doivent encore être complétées par l’importation massive de soja sud-américain, en grande partie OGM : pour nourrir son cheptel, la France importe des tourteaux de soja, principalement du Brésil et d’Argentine, contribuant ainsi à la déforestation en Amérique latine et aux problèmes sociaux liés au développement des grandes cultures intensives au détriment des petits paysans. Avec 4,5 millions de tonnes de soja importés chaque année, la France est le premier importateur européen. Utiliser directement pour nourrir les humains la superficie actuellement cultivée en France pour nourrir les animaux remettrait sérieusement en cause la nécessité d’importer du soja. Pour être la plus efficace possible, une alimentation végétale doit être menée selon un certain bon sens et il convient d’éviter de se nourrir à peu près exclusivement de végétaux hors saison, cultivés hors sol, sous serres chauffées ou importés de pays lointains (au détriment des cultures vivrières) et selon les préceptes de l’agriculture intensive, gourmande en intrants et en pesticides.
De toutes façons, la demande en viande à l’échelle nationale (et a fortiori mondiale) est tellement forte que la quasi-totalité des animaux élevés pour leur viande doivent être élevés de façon intensive et nourris avec des intrants au moins en partie importés. En 2008, le scandale du soja chinois à la mélamine a révélé que des éleveurs bios engraissaient leur cheptel de cette fameuse farine10.

Puisque la faim dans le monde n’est pas pour demain mais constitue la réalité d’aujourd’hui prenons les devants, soyons conscients de l’impact de nos choix, renseignons-nous et diminuons conséquemment notre consommation de viande et de produits animaux en espérant qu’enfin des mesures efficaces et officielles suivront afin de favoriser et accompagner la nécessaire transition vers une alimentation végétale qui soit bénéfique à tous les humains, aux animaux et à l’environnement.

Clem pour L214

Dessin Insolente Veggie


(1) Le 15 octobre 2009, suite à un débat avec Fabrice Nicolino, auteur du livre Bidoche, nous pouvions lire « Faut-il manger moins de viande pour sauver la planète ? » ; le lendemain (16 octobre), c’était : « Nourrir la planète en 2050, un défi déjà d’actualité » ; le Courrier International du 24 février 2012 est consacré à ce thème, la FAO planche sur la question, etc.
(2) Plus particulièrement, le n°9 des Cahiers d’Alliance Végétarienne, « Nourrir son monde » (2002) et la brochure Quand la vache du riche affame le monde (2002).
(3) En 2006, un rapport de la FAO indiquait que l’élevage était responsable de 18% des émissions annuelles des gaz à effet de serre (GES) dans le monde (FAO, Livestock Long Shadow, 2006, p. 112.). S’il existe des divergences sur les chiffres, le rôle de l’élevage dans les émissions des GES est incontestable.
(4) Association Végétarienne de France, « Nourrir son monde », Cahiers n°9, 2002, p. 15.
(5) Daniel Renault (FAO), Value of virtual water in food, principles and virtues, 2002, p. 17.
(6) D’après une étude du Stockholm International Water Institute.
(7) Bruno Parmentier, « Il faut en finir avec la gabegie alimentaire », Le Monde, 20 août 2012
(8) Si dans les pays les plus pauvres c’est l’accès à la nourriture qui est compromis, en Occident c’est plutôt l’accès à une nourriture équilibrée qui peut être problématique, les personnes souffrant d’obésité appartenant paradoxalement le plus souvent aux classes sociales défavorisées.
(9) Le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 a notamment rendu illégal le végétarisme dans toutes les écoles françaises, qu'elles soient publiques ou privées. Tous les menus servis dans les cantines scolaires doivent maintenant contenir des produits animaux en général, en particulier de la viande et du poisson de façon fréquente. Autre exemple récent : deux affiches de Sodexo relatant les dégâts environnementaux intrinsèques à la production de viande ont dû être retirées sous pression des agriculteurs (cf. le blog d’Aléa).
(10) Divers articles ont relaté à l’époque que plus de 300 tonnes de soja bio contaminé à la mélamine avaient été importées en novembre 2008.



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Avec un tel titre, cet article du Monde ne passe pas inaperçu. Des mots rarement vus ensemble y sont accolés : miam et McDonald’s est habituel, mais plus rare avec scènes d’horreur et abattoir !

Abattoir et McDonald’s sont rarement ensemble. Pourtant, la présence de viande, chez MacDo ou ailleurs, implique nécessairement celle de l’abattoir. La viande ne pousse ni sur les arbres ni sous la terre ; la viande est la chair d’animaux qui étaient vivants et qui ont été tués. Entre les deux états (vivants vs morts), une étape (l’abattage), occultée parce qu’indésirable : des couteaux, des pistolets, des bâtons, des électrochocs, des chairs coupées à vif, des boyaux qui pendent, des seaux et des bennes remplis d’yeux et de pattes et de têtes, des lambeaux de chair, du sang qui gicle et qui coule à profusion ; ce Sang des bêtes qui avait tant traumatisé Franju(1) et lui avait fait dire : « Quand je suis allé la première fois là-dedans, je suis rentré chez moi, j’ai pleuré pendant deux jours, j’ai caché tous les couteaux, j’avais envie de mourir ».

Indissociables de l’industrie de la viande, les abattoirs font décidemment tache et ces gigantesques machines à tuer cherchent à rester discrètes. Cette année, la sortie de classe des enfants sera la visite de l’abattoir local. Grand jeu concours : gagnez la visite de l’abattoir de votre choix. Visitez notre ville : son château, ses musées, ses abattoirs. On se persuade tant bien que mal que les animaux y sont tués « proprement », voire « humainement », et surtout tout est fait pour conforter ce présupposé - quand même, nous sommes au 21e siècle ! Et « ça se saurait » !

Eh bien, ça commence à se savoir : les abattoirs, c’est la boucherie. « Scènes d’horreur », nous explique le journal d’aujourd’hui : « Un homme botté de caoutchouc se tient debout sur le museau d'une vache noire étendue au sol jusqu'à suffocation. Une vache tachetée sur un tapis roulant vomit un liquide jaune en balançant frénétiquement sa tête de droite à gauche. Des dizaines de bovins [vaches laitières] qui tiennent à peine sur leurs pattes, s'effondrant sous leur propre poids, se voient administrer des décharges électriques à répétition. D'autres, suspendus par une patte au-dessus du sol, se débattent vigoureusement, en attendant d'être égorgés... » Joignant le visuel à l’écrit, une vidéo est ajoutée sur la version en ligne de l’article. Avec un avertissement : « cette vidéo contient des images qui peuvent choquer. » Et en effet, comment rester de marbre devant l’interminable agonie, la terreur, l’horreur ? Le cœur soulevé, l’estomac révulsé, il faut s’accrocher regarder ces quatre petites minutes d’ultra violences : coups, électrochocs… un acharnement invraisemblable sur des animaux dont le seul crime est de n’avancer ni assez vite ni assez complaisamment vers la mort.

Comme ce carnage se passe dans un des établissements de Central Valley Meat Company, une chaîne d'abattoirs californienne, il est tentant de pousser un soupir de soulagement : c’est loin, et chez nous c’est sûrement différent. Mais des reportages, des enquêtes ont montré ce qu’enduraient les animaux en France ; L214 a révélé que des abattoirs de bovins ou de poulets ne respectent pas la règlementation en vigueur, d’où des souffrances et des agonies à n’en plus finir… (2)

Comme c’est McDonald’s(3) qui est cité dans l’article du Monde, on pourrait penser que McDonald’s possède tous les vices ; mais n’oublions pas que chaque morceau de viande passe par la case « abattoir » et que chaque animal a été terrorisé, battu, abattu, dans des conditions plus ou moins épouvantables, justement pour fournir cette viande, qui sera indifféremment consommée dans un très chic restaurant quatre étoiles, sur un barbecue, en sandwich dans un train ou chez McDonald’s.

L’USDA (ministère américain de l’Agriculture) a reconnu que ces images constituaient des preuves de « traitements inhumains du bétail » et a temporairement fermé l’abattoir, accordant une belle « victoire » à Compassion Over Killing, dont un enquêteur avait infiltré en juin et en juillet 2012 l’établissement.

L’USDA, McDonald’s et une autre chaîne de fast-foods, In-N-Out Burgers, ont donc suspendu leurs achats de viande auprès de cet abattoir, mais ils ont garanti que les images « ne dévoilent rien qui pourrait remettre en question la sécurité alimentaire » - les hématomes et la détresse n’altèrent pas la viande.

Si vous n’avez pas le courage de regarder les quatre éprouvantes minutes de l’enquête de Compassion Over Killing – éprouvantes pour nous, mais ô combien plus pour les animaux – nous vous dévoilons le mot de la fin : « Try Veg, compassion over killing ». Et en effet, choisir une alimentation végétale est la seule réponse réellement adaptée à ces horreurs. Essayez, vous n’avez rien à perdre ; les animaux ont tout à y gagner !

Clem pour L214


(1) Le Sang des bêtes est un remarquable documentaire de 20 mn réalisé par Georges Franju, en 1949, dans les abattoirs parisiens de la Villette et de Vaugirard.
(2) Cet article est consacré aux abattoirs, mais les souffrances endurées par les animaux commencent généralement dès leur naissance, l’abattoir constituant le summum de l’horreur et de la terreur.
(3) L’abattoir fournissait entre autres McDonald’s (à hauteur de 15,7% en viande bovine) et l’USDA, qui fournissait à son tour les cantines scolaires du pays.


L214 au salon Primevère (Rhône)

  • Article du Vendredi 2 mars 2012

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Les associations étant regroupées par thèmes, nos plus proches voisins furent l’AVF, l’ASPAS et Sea Shepherd. Comme d’habitude, notre stand était bien visible grâce aux banderoles et affiches de l’association, et proposait pétitions, livres, DVD, tracts, brochures, T-shirts, badges, autocollants… pour faire court, à peu près tout ce qui se trouve sur la boutique de L214, plus une dégustation de Faux Gras ! En trois jours, des milliers de personnes sont passées devant notre stand, et même celles qui ne s’y sont pas arrêtées ont pu lire « Parce que les animaux sont des êtres sensibles, ouvrons les yeux sur la pêche, les élevages et les abattoirs ! » et « Tous sensibles ! Non à la souffrance animale ! », rendant visibles les animaux d’élevage et leur exploitation.

Au cours des discussions, nous nous sommes aperçus que L214 commençait à être connue de nombreuses personnes, l’association ayant été récemment citée à plusieurs reprises dans des quotidiens nationaux tels que Le Monde. Beaucoup de gens se sont arrêtés pour signer les pétitions, prendre des tracts, feuilleter livres et brochures ou nous poser des questions : certains s’inquiétaient d’éventuelles carences liées au fait de ne plus manger de viande, et avaient souvent peur du manque de protéines, d’autres nous ont posé des questions concernant la production des œufs, l’élevage des lapins ou l’exploitation des vaches laitières, etc. Nous avons également eu d’importants retours du reportage « La viande dans tous ses états » de l’émission Envoyé spécial du 16 février dernier (reportage disponible sur Youtube) : portant sur les abattoirs, il avait révélé qu’apparemment 11% des abattoirs français ne sont pas conformes au niveau de l’hygiène, et que l’abattage sans étourdissement tend à se généraliser. S’il a le mérite de montrer de l’intérieur l’univers des abattoirs, ce reportage s’est cependant focalisé sur l’abattage sans étourdissement et les non conformités hygiéniques, laissant sous-entendre qu’un abattage conforme aux normes ne pose pas de problème au niveau législatif et est donc acceptable. Nous devions donc sans cesse indiquer à nos interlocuteurs que si l’abattage sans étourdissement est bien évidemment abominable, les cadences des chaînes « normales » d’abattage sont telles que bien des animaux sont de toute façon égorgés encore conscients, comme l’ont montré les enquêtes de L214 ; et bien sûr rappeler que l’abattoir sera toujours un milieu extrêmement stressant pour un animal, qui, étourdi ou non, n’a jamais envie d’être tué pour être mangé. Un homme retraité et ayant travaillé toute sa vie en tant que vétérinaire dans les services sanitaires d’un abattoir s’est d’ailleurs arrêté avec beaucoup d’intérêt à notre stand. Nous avons également longuement discuté avec une femme qui hésitait à reprendre une exploitation laitière, un éleveur de moutons, et un enseignant de Lyon 1 spécialiste du darwinisme.

Ce salon a aussi été l’occasion d’échanger des informations avec d’autres associations agissant pour les animaux, de revoir des adhérents, de prendre de nouvelles adhésions, et de découvrir des initiatives personnelles en faveur des animaux. Une femme a vivement regretté que nous n’ayons aucun document concernant l’élevage des moutons ; et un tract portant spécifiquement sur l’exploitation des vaches laitières aurait été le bienvenu. Nous avons donné beaucoup de tracts sur les poissons, auxquels les gens peinent à s’intéresser – à la fin du salon, une jeune femme est repassée exprès pour nous dire : « Ça y est, j’ai décidé d’arrêter de manger aussi les poissons ! ».

Il est dommage que nous n’ayons pas pu assister à la conférence de Jocelyne Porcher (INRA), « Vivre ensemble avec les animaux : une utopie pour le XXIe siècle », dont plusieurs personnes nous ont fait des retours négatifs : Porcher justifie l’exploitation animale notamment par le fait que dans une société entièrement végétalienne il n’y aurait – d’après elle – plus de contacts entre les animaux et les humains. Pourtant, en Occident nous ne mangeons ni chiens ni chats, et ceux-ci sont très nombreux à vivre avec nous ! Un effort d’imagination mais surtout un changement de mentalité nous permettrait d’envisager une cohabitation pacifique avec des vaches, des cochons et des moutons « de compagnie » - tout comme certaines personnes vivent déjà amicalement avec des ânes, des chèvres, des chevaux et même parfois des cochons.
Bref, cette première présence de L214 au salon Primevère a été couronnée de succès, et nous pensons déjà au(x) prochain(s) salon(s) !

Compte-rendu de CLEM

Stand Primevère 2012 - L214Stand Primevère 2012 - L214Stand Primevère 2012 - L214