Dimanche 16 juin, tous à la ferme !

  • Article du Vendredi 21 juin 2013

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C'est dimanche matin, j'ouvre Ouest-France en buvant ma tasse de café et découvre qu'un élevage à 1h de la maison ouvre ses portes dans le cadre de l'action de com' de la filière agricole. Endimanchée, je saute dans l'auto pour aller voir de plus près les cochons bretons.

Je pensais y voir une demi-douzaine de personnes à tout casser... mais quelle surprise en arrivant ! Il y a au moins 60 voitures et pas de la petite Twingo que de la grosse familiale !

Un gars en gilet jaune fait même la circulation, je me gare dans un champ comme au fest-noz. Je marche un peu dans les ornières et un autre gars, vêtu d'un tee-shirt rose fuchsia imprimé Changeons de regard sur l'élevage de porcs, m'accueille « Bonjour, Madame, bienvenue ! ».

La visite va commencer

Je me rends à une table où je dois indiquer mes coordonnées, on me remet une tenue complète : chaussons, charlotte et blouse jetables.
Un gars de l'association Agriculteurs de Bretagne fait un speech sur l'utilité du lisier comme engrais, bla bla bla.
Hop, j'intègre un groupe de 25 personnes composé d'enfants et de parents armés d'appareils photo pour prendre chéri-chéri à coté des cochons enfermés, bref...

C'est un élevage de truies gestantes et de porcs à l'engraissement de taille moyenne.

1er bâtiment : Alimentation, il font leur propre mélange sur place, au menu : soja du Brésil et céréales.

2e bâtiment : C'est la maternité, c'est-à-dire des truies allaitantes en stalle avec leurs petits, moment très attendu par les enfants. Je demande : « J'ai cru comprendre qu'il y avait une nouvelle loi pour les truies, c'est quoi exactement ? » l'éleveur répond : « Depuis le 1er janvier 2013, les truies doivent être placées en box 3 semaines après l'insémination et remises en stalle 1 semaine avant la mise-bas, avant elles étaient en stalle tout le temps. Il a fallu faire des travaux, nous verrons ça tout à l'heure ».

On visite, chacun fait son p'tit tour. Il y a une fiche suspendue par animal, sur l'une d'entre elles est inscrit « écrase ses petits », je dis : « Pourquoi c'est écrit "écrase ses petits" ? ». Il répond : « Lorsque la mère s'allonge il peut y avoir un petit en-dessous alors il meurt étouffé, c'est la principale cause de mortalité des porcelets » Gloups.

Les enfants regardent, les parents les surveillent des fois qu'une truie s'échapperait... Les enfants prennent les petits cochons dans les bras, les mamans prennent les photos, c'est tellement chou... J'interroge : « À ce qu'il paraît on castre les porcelets, j'ai du mal à y croire, c'est vrai ? » Il répond un peu gêné : « Les cochons développent 2 hormones qui, s'ils ne sont pas castrés, dégagent une forte odeur à la cuisson et ça incommode le consommateur » mais rassure en nous affirmant que la castration dure seulement 2 secondes et qu'en 2015 cette pratique s'arrêtera.

J'aperçois un jeune père de famille scotché à une vitre derrière laquelle se trouvent des truies entravées avec leurs porcelets nouveaux-nés.


Truie allaitante en stalle - entravée pendant 1 mois

On passe dans la fameuse salle « bien-être ». Les truies sont donc enfermées dans des cases collectives par groupe de 6 voire 7 individus.

Trois personnes demandent : « Pourquoi sont-elles griffées, abîmées ? » Il nous explique que depuis que les truies vivent en groupe pendant la gestation, elles se battent car il y a des dominantes et des dominées, parfois elles perdent même leur portée voire elles se cassent les pattes.
Je dis : « Oh ! C'est quoi la chaîne suspendue au fond de chaque box ? » « C'est Bruxelles qui nous demande ça, c'est un jouet pour les occuper, moi je trouve ça un peu débile » répond l'éleveur.

Le jeune père de famille regarde immobile les truies et demande à l'éleveur : « Mais à quel moment elles vont dehors ? » « Le jour où le camion arrive » lui balance-t-il (ndlr : le camion qui va à l'abattoir). Je vais le voir discrètement et lui dis : « Ça ne donne plus envie d'en manger, hein ?! ». On papote un peu et j'ajoute tout bas : « Et vous savez qu'ils leurs rognent les dents et leurs coupent la queue ? ». Il découvre tout ça et semble dégoûté.


Truies en loge collective - normes 2013

On rentre dans une autre salle où on nous présente le verrat, un gros pépère enfermé qu'on fera passer devant les truies déjà en stalle pour que l'éleveur sache à quel moment elles sont prêtes à être inséminées... J'entends quelqu'un lancer « Même le verrat n'a pas droit à sa part belle ! ». Bah oui les truies sont toutes inséminées artificiellement.

3e bâtiment : post-sevrage avant engraissement, des jeunes cochons en groupe toujours enfermés, placés sur un sol bétonné. Les enfants leur tendent les bras mais ils se réfugient tous au fond du box, paniqués. Je glisse à l'oreille d'une petite fille : « Tu leur fais peur ! » elle s'en rend compte et arrête.


Jeunes cochons en box bétonné

4e bâtiment : engraissement comme les jeunes cochons mais ils sont plus grands. Ce bâtiment se termine sur un couloir bétonné en plein air avec des douches. C'est là que les cochons et les truies attendront entre 1h et 6h le camion pour l'abattoir.

Triste journée

L'ambiance générale n'avait rien de joyeux... ça ne ressemblait pas à une visite guidée de musée. Au fur et à mesure l'ambiance était de plus en plus lourde. Les cases « bien-être » et les truies en stalle attendant d'être inséminées, ça a bien plombé.

Un dimanche pas comme les autres, les Bretons ont pu voir l'envers du décor, ceux qui ont eu le courage d'affronter le regard d'une truie ne verront certainement pas de la même façon leur tranche de jambon ou leur merguez grillée, du moins, pendant quelque temps...

Anonyme