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3 questions à Lena Lindström, éthologue


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Lena Lindström est éthologue et porte-parole de l’Institut Vethos, une association suédoise à but non lucratif qui rassemble vétérinaires et éthologues, et travaille à faire évoluer le regard de la société sur les animaux non humains et la façon dont ceux-ci sont traités. Nous nous sommes entretenus avec elle au sujet des poissons, dont les capacités et comportements sont souvent peu connus.

 

Les poissons sont-ils sentients ?

La majorité des biologistes, philosophes et neuroscientifiques s’accordent aujourd’hui pour dire que les poissons ressentent la douleur. Or, seuls des êtres sentients peuvent éprouver de la douleur. Ainsi, puisque les poissons ont la capacité de ressentir la douleur, on peut supposer avec confiance que les poissons ont également conscience de leurs autres sens, tels que la vue, l’ouïe ou la perception du mouvement de l’eau (pour laquelle ils disposent d’un organe spécifique : la ligne latérale). Cela signifie que les poissons ont un Umwelt (ndlr : un environnement sensoriel propre) riche et varié, au service d’une vie qui leur importe.

Les poissons ont un environnement sensoriel riche et varié.

Le saviez-vous ? La sentience est la capacité à ressentir, à vivre des expériences comme étant positives ou négatives. Un être sentient ressent donc la douleur comme le plaisir. Si le terme est courant en anglais, il est encore peu employé en France, où on lui préfère l’adjectif « sensible ». Comme ce dernier désigne par ailleurs souvent un être plus émotif que la moyenne, il est moins précis que le terme « sentient ».

 

Les personnes ayant choisi de réduire leur consommation de viande, lait et œufs sont de plus en plus nombreuses. Cependant, les poissons, crustacés et céphalopodes sont souvent les grands oubliés dans ces démarches (on parle alors de pescétarisme ou de pesco-végétarisme). Pourquoi est-il important d’écarter aussi les animaux aquatiques de nos assiettes ?

Toutes les raisons qui justifient que l’on s’abstienne de tuer et de consommer des vertébrés terrestres s’appliquent également aux poissons. D’autre part, le nombre de poissons tués chaque année pour être consommés est largement supérieur à celui des animaux terrestres, tandis que les conditions dans lesquelles ils sont traités sont encore pires que celles des animaux d’élevage. La plupart des poissons sauvages pêchés meurent par suffocation, une mort horrible et lente. Quant aux poissons d’élevage, ils sont maintenus dans des bassins surpeuplés dans lesquels il leur est impossible d’exprimer leurs comportements naturels.

Poissons pris dans un filet de pêche.

Pour ce qui est des crustacés et des mollusques, les données indiquant qu’au moins certaines espèces seraient sentientes s’accumulent, en particulier pour les crustacés décapodes (crabes, homards, crevettes, etc.), ainsi que pour les céphalopodes (pieuvres, calmars, etc.). Comme nous ne savons pas exactement quelles sont les conditions indispensables à la sentience, nous ferions mieux d’accorder le bénéfice du doute à tout être doté d’un système nerveux. Et nous devrions être plus prudents encore lorsqu’une espèce fait preuve de comportements complexes qui pourraient nécessiter une forme de conscience, comme c’est le cas pour les céphalopodes et les crustacés.

 

Quels sont quelques-uns des comportements les plus étonnants ou impressionnants dont font preuve les poissons ?

Les poissons nous impressionnent de bien des façons. Par exemple, trois carpes, Beauty, Pepi et Oro, se sont révélées capables de classer des morceaux de musique par genres tels que le blues. Qui plus est, de nombreuses espèces sont très sociables et loin d’être muettes. Les poissons produisent des sons afin de communiquer et certains chantent même pour attirer un ou une partenaire. Les poissons comptent également d’excellents navigateurs. Les anguilles et les saumons, par exemple, traversent l’Atlantique deux fois dans leur vie et font preuve d’une incroyable capacité à retrouver leur chemin. On ignore encore comment ils y parviennent, mais ils semblent faire appel au géomagnétisme, à leur odorat et à la navigation céleste.

Par ailleurs, peu de gens savent qu’environ un tiers des 30 000 espèces de poissons construisent des nids. Certains sont faits de bulles, d’autres de corail, de galets ou de sable, et peuvent atteindre une taille impressionnante de plusieurs mètres. Leur construction demande souvent beaucoup de temps et d’efforts, et indique que les poissons sont capables de planification et de gratification différée. Et de même que l’on avait découvert dans les années 1960 que les chimpanzés se servent d’outils, les premières images révélant l’usage d’outils chez les poissons dans les années 2010 en ont surpris plus d’un.

Réduisons la souffrance des poissons et autres animaux marins à notre échelle : sortons-les de nos assiettes ! Découvrez plein d’astuces pour reproduire les saveurs marines en cuisine façon 100 % végétal.

 

Propos traduits de l’anglais.