Bannière Une vache peinte en vert pour un ‘greenwashing’ au sens propre

Une vache peinte en vert pour un ‘greenwashing’ au sens propre


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En juillet 2015, au plus fort de la canicule, une vache peinte en vert a dû marcher 200 km pour promouvoir l’idée que « l’équilibre est dans le pré », équilibre pourtant on ne peut plus douteux...

Plus connue sous le sobriquet de « la vache verte », la vache Normandie a effectué, bien malgré elle, un véritable parcours du combattant. Séparée de son troupeau - les vaches sont des animaux grégaires très attachés à leur groupe – et recouverte de peinture verte, cette vache a dû marcher quelque 200 km et été a exhibée dans des villes et villages entre Paris et Alençon. La Confédération nationale de l’élevage (CNE) s’est ainsi livrée à ses dépends à une opération de  greenwashing au sens propre du terme, via la campagne “L’équilibre est dans le pré”.

                             photo de la vache peint en vert

Élevage et environnement font-il vraiment bon ménage ?

Avec cette campagne « La vache Verte, l’équilibre est dans le pré », la CNE cherche à se placer favorablement dans la lutte contre le changement climatique qui battra son plein à la fin de l’année via la COP 21 (conférence internationale sur le climat). Vu les émissions en gaz à effet de serre (GES), la consommation d’eau et autres dégâts causés par l’élevage, dont l’élevage bovin, ça relève d’une mission impossible. La Confédération s’y est pourtant particulièrement appliquée dans cette opération de communication qui se veut bon enfant, bourrée de chiffres rassurants et de belles images d’animaux vivant paisiblement dans de bucoliques paysages, sans une seule stabulation en vue, alors qu'une grande partie des vaches, veaux et chèvres ne sortent jamais à l’extérieur.

Parmi les principaux arguments avancés par la CNE, on lit que « 90% de l’alimentation de nos troupeaux [de ruminants] en moyenne est produite sur nos fermes ». Mais la CNE ne nous dit pas que, quel que soit son lieu de production, la culture standard de céréales et d’oléagineuses, dont les bovins sont de grands consommateurs, accapare terrain, engrais et pesticides. La seule différence entre produit « à la ferme » ou à l’autre bout de la terre se trouve dans l’économie du transport. La CNE passe aussi sous silence le fait qu’il faut de 8 à 10kg de matière sèche végétale pour produire 1kg de viande bovine : un terrible gâchis quand 800 millions d’humains souffrent encore de malnutrition. Et les prairies sont potentiellement autant d’espaces perdus pour des cultures qui pourraient servir, selon leur configuration, à la production d’aliments végétaux pour les humains ou de stockage du carbone, via des forêts.

« Depuis 10 ans, les éleveurs ont engagé avec les instituts techniques des études pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Ces dernières ont d’ailleurs diminué en élevage de 14% depuis 1990 ». Rappelons que d’après les derniers chiffres de la FAO, l’élevage reste quand même responsable au niveau mondial de davantage de GES que l’ensemble des transports !

D’ailleurs, cette baisse est essentiellement due à la diminution de 12% du nombre de ruminants en France depuis 1990 parce que les Français, dans le même temps, ont baissé leur consommation de viande bovine de 15% ! La filière viande ne manque pas de culot de s’attribuer les effets de la baisse de la consommation de ses propres produits...

La consommation de laitages, en revanche, n’a pas décliné, mais on a rendu les vaches laitières plus productives (autant de lait est produit avec moins d’animaux). Il a fallu pour cela intensifier la sélection génétique ou encore étudier en profondeur leur système digestif, au sens littéral du terme puisque les zootechniciens greffent sur le flanc des vaches des hublots afin de accéder directement au contenu de leur panse. Aujourd’hui, ces hublots servent aussi à étudier leurs émissions de GES.

                         photo de "vache hublot"

Une solution plus simple et nettement plus efficace que ces “efforts” techniques dont les premières victimes sont les animaux est de poursuivre et d’encourager la baisse de la consommation de produits d’origine animale. Le dernier rapport du GIEC estime que si on limitait la consommation mondiale de viande de ruminant à 10g par jour et par habitant et celle des autres viandes à 80g par jour (ce qui correspond aux recommandations de l’école de santé publique de Harvard) on aurait déjà fait la moitié du chemin pour limiter le taux de CO2 atmosphérique à 450 ppm en 2050. Ce serait aussi efficace que réduire de moitié l’utilisation des automobiles. En France, cela permettrait de réduire de 80% les émissions des élevages bovins et ovins et de moitié les émissions des autres élevages. Autrement mieux que 14% en 25 ans !

Dans le même registre, la filière rabâche depuis des années que : « Prairies et haies compensent 30% des émissions de l’élevage ». Or ces 30% correspondent au carbone stocké par les prairies et non au carbone absorbé par les prairies. L’absorption nette des prairies est globalement neutre : en effet, on ne compte dans les bilans carbone ni la respiration des animaux, ni la photosynthèse des plantes qu’ils mangent, car ces deux processus s’équilibrent. Il n’y a aucune raison de soustraire aux émissions des vaches (un flux) le carbone contenu dans les prairies (un stock).

La filière vante la capacité des prairies à stocker le carbone. Mais ce sont de piètres réservoirs de carbone : les forêts contiennent beaucoup plus de matière organique donc beaucoup plus de carbone. Si on plantait des forêts à la place des prairies, elles absorberaient durant leur croissance une quantité énorme de CO2 et stockeraient ainsi une quantité bien plus considérable de carbone que des terrains herbeux !

Un autre argument, « L’utilisation des déjections de troupeaux comme engrais permet d’éviter l’utilisation des engrais chimiques, soit 4,5 millions tonnes équivalent CO2 », ne tient pas mieux car il ne faut pas oublier que ces déjections servent en grande partie à faire pousser les aliments consommés par les vaches et autres animaux d’élevage : sans élevage, on ne serait pas obligé de consommer davantage d’engrais chimiques puisque ces cultures n’auraient plus lieu d’être. Précisons d’ailleurs qu’une agriculture végane, sans intrants d’origine animale, est possible.

Côté eau, l’astuce de la CNE pour dégonfler les chiffres de sa consommation par l’élevage consiste à soustraire du bilan l’eau urinée par les vaches. Selon la CNE, si je bois 1,5 L d’eau par jour et que j’en urine à peu près autant, je n’ai pas consommé d’eau ! Là encore, les données de la CNE sont de la poudre aux yeux.

La solution est ailleurs

De nombreuses études scientifiques l’ont démontré : nous aurions tout à gagner à remplacer les productions animales par des productions végétales.

Ces dernières permettraient de recréer de vastes espaces forestiers, véritables puits de carbone et réserves de biodiversité, et ralentiraient énormément la déforestation amazonienne puisque l’élevage en est de très loin la première cause, notamment en raison des importations de soja pour l’alimentation animale. Elle économiserait l’eau, étant donné qu’il suffit d’1m3 d’eau pour produire 1000 calories d’origine végétale contre 5m3 pour des calories d’origine animale – et qu’une vache en lactation boit jusqu’à 130 litres d’eau par jour, soit autant qu’un éléphant ! Et les subventions actuellement attribuées à l’élevage pourraient être investies dans la reconversion professionnelle.

Que l’utilisation de Normandie en support de communication ait recueilli de la sympathie, dont celle des médias, est révélateur de la réification que subissent les animaux destinés à être mangés - comme Normandie, qui a rejoint son troupeau en attendant de finir à l’abattoir. On imagine le tollé qu’aurait  provoqué, à raison, une campagne utilisant un chat ou un chien recouvert de peinture.

Au lieu de soutenir l’élevage et ses incontournables gaspillages, et même un modèle d’élevage de plus en plus intensif (ferme des 1000 vaches, des 1000 veaux, de 250 000 poules pondeuses, de 5000 cochons… ), il est urgent de mettre en place un modèle agricole qui soit réellement favorable à l’environnement, aux humains et aux animaux. Les productions végétales permettent de répondre à ce défi, adoptons-les dès maintenant.