Réveillez-vous - Lettre ouverte à la production de M6

  • Article du Mardi 16 avril 2013

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Se battre pour ses convictions est toujours un acte en deux étapes. D’abord, elles sont personnelles, on n’ose à peine les partager, les
faire entendre. On ne veut pas empiéter sur la liberté de chacun, qui ne manquent d’ailleurs jamais de nous le rappeler, lorsque nous
venons à ébranler un tant soit peu ce qu’ils considèrent comme acquis par éducation.

Mais il faut vite réaliser qu’un combat ne se mène jamais pour soi. Il ne fait sens que s’il est partagé, montré, entendu. Il faut passer à
l’action.

Logo de l'émission Top Chef diffusée sur la chaîne télévisée M6

Je suis végétalien. Cela n’a pas toujours été le cas. Ayant grandi dans le sud ouest, je suis un enfant du foie gras, de la saucisse et des
fromages en tout genre. Comme tout le monde, on m’a appris à voir tous ces aliments comme de simples produits. Chez nous, on met
du foie gras dans la bouche d’un enfant dès qu’il a des dents. Il se doit d’aimer.

Mais la viande, les produits laitiers, les oeufs, le cuir, la laine, ne sont pas des produits. Ce sont des parties d’êtres vivants. Même si tout
est fait pour que vous ne le voyiez pas. Je lis déjà les commentaires, tous entendu des centaines de fois. « La viande, le lait sont
nécessaire, nous avons une conscience que les animaux n’ont pas, nous avons toujours mangé de la viande, oui mais le goût » ... Tout
ceci est faux, n’est pas valable. Ne l’est plus depuis longtemps. Et tout ce système nous dépasse largement.

Mais je ne tenais pas à écrire ce texte pour m’étaler sur mes choix, ou pour expliquer pourquoi vous n’avez plus aucune raison de
manger des animaux, ou des aliments provenant d’animaux.

Lundi 25 mars 2013 était diffusé sur M6 un épisode de l’émission « Top Chef ». Je ne critiquerai pas l’utilisation de viande ou de poisson
dans l’ensemble des plats, considérés comme aliments de base de tout. Après tout, on parle de cuisine traditionnelle, classique, de
terroir français. Bref. Une épreuve en particulier se déroulait à Rungis. Les candidats devaient créer un dessert à base de viande, et
avaient pour cela accès à l’un des points de distribution les plus importants qui existe.

Extrait de l'émission Top Chef diffusée le 25/03/2013 sur la chaîne télévisée M6

J’ai été choqué par le choix de la production de filmer l’ensemble de cette épreuve au milieu de centaines de carcasses d’animaux
suspendus. Je ne pouvais pas croire qu’encore aujourd’hui, une chaîne de télévision nationale puisse mettre en scène une émission
dans un tel contexte, sans se rendre compte à un seul instant que cela pourrait toucher une partie de ses spectateurs.

Encore une fois, nous avons affaire à une représentation de la viande dont on fait disparaître tout aspect vivant. Au milieu de l’ambiance
clinique des chambres froides, ces corps nettoyés ne surprennent personne. Ouvrez les yeux. Ces porcs tranchés en deux, ces
carcasses de boeufs détaillés, saignants, suspendus les uns contre les autres, ne sont pas des aliments. Ce sont des être-vivants.

Conscients, capables de souffrir. Abattus dans des conditions que nous connaissons tous aujourd’hui, dont nous savons tous
les détails, même s’il est toujours plus facile de refuser de les voir.

Je ne pouvais pas laisser passer cette énième banalisation de l’abattage de masse, utilisé ici comme le décor d’une mise en scène on ne peut plus glauque. Je ne suis pas un homme
politique, je ne suis pas un philosophe, je ne suis pas journaliste,
je n’écris pas pour déballer des faits, des chiffres, pour vous
prouver combien nous avons tort. À tous ceux qui me disent, jour
après jour, que je dois respecter leur choix de consommer de la viande (comme si c’était un choix, ou une opinion), me respectez-vous,
vous, dans mes choix ? Nous ne faisons que faire remarquer que le massacre d’êtres vivants n’est pas nécessaire à l’alimentation, et
vous nous lancez au visage des corps dépecés, découpés, décapités ?

Je suis simplement fatigué. Fatigué de constater à quel point nous refusons de voir, à quel point nous pouvons faire preuve de cynisme,
sans même le vouloir, sans même nous rendre compte à quel point nous sommes blasés de tout. Nous avons tout banalisé, nous ne
nous étonnons plus de rien. Nous observons des candidats se faire juger au milieu d’un cimetière de milliers de cadavres sans sourciller,
sans réaliser à quel point nous sommes détraqués.

J’ai de la peine pour notre société. Se révolter ne demande plus beaucoup d’efforts aujourd’hui, et écrire une lettre peut se faire en
restant assis.

Réveillez-vous.

Guillaume Ferrand