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Gandhi, engagé pour le végétarisme


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Quantité de livres, d’articles, de reportages et de films sont sortis sur Gandhi, mais bien rares sont ceux qui traitent d’un engagement qui fut pourtant fondamental dans sa vie : celui pour le végétarisme et les animaux.

Le livre intitulé Du végétarisme (2018) offre un choix de textes inédits écrits par Gandhi lui-même et portant sur cette question. Dans la préface, Florence Burgat relève avec justesse que si « dans l’esprit de beaucoup, ce régime n’est probablement attaché à la figure du Mahatma que de manière vague : en tant qu’hindou, il devait être végétarien », Gandhi s’appropria en réalité le végétarisme jusqu’à en faire « une mission ».

Issu d’une famille strictement végétarienne, Gandhi avait pourtant été convaincu à l’adolescence de la nécessité de consommer de la chair animale. Un ami avait en effet réussi à le persuader que là résidait la clé de la santé et de la force, et que le fait que les Anglais soient des « carnivores » expliquait même leur suprématie sur l’Inde. Surmontant son dégoût, l’adolescent consomma donc en cachette une demi-douzaine de fois des plats comprenant de la viande – jusqu’à ne plus supporter de trahir la confiance de sa famille et décider de s’en abstenir jusqu’à être indépendant.

À l’âge de 18 ans, le jeune homme partait pour trois ans en Angleterre suivre des études de droit. S’il était végétarien, c’était alors uniquement par obligation familiale - condition sine qua non à son départ, il avait même dû prononcer trois vœux : ne toucher ni à la viande, ni au vin, ni aux femmes.

Mais, dès le voyage en bateau, les autres passagers l’exhortèrent à consommer de la viande, arguant que le climat anglais ne permettait pas de s’en dispenser. En Angleterre, un proche le harcela ensuite sans relâche, jusqu’à ce que Gandhi finisse par lui expliquer que, quelle que soit la justesse de ses arguments et quitte à passer « pour un imbécile », il ne pouvait en consommer puisque « un vœu est un vœu, et ne se renie pas. » Gandhi était pourtant loin d’avoir un environnement favorable : en plus de l’insistance de son entourage pour le pousser à renoncer au végétarisme, il ne mangeait pas à sa faim car les familles chez qui il logeait ne lui offraient que des légumes bouillis et quelques tranches de pain.

Mais tout allait changer. Lors d’une de ses longues marches quotidiennes, le jeune homme tomba par hasard sur un restaurant végétarien, trouvaille qui l’emplit d’une « joie comparable à celle de l’enfant qui voit enfin comblé son rêve le plus cher. » Il y acheta un livre, Plaidoyer pour le végétarisme de Salt, dont la lecture lui fit choisir et non plus subir le végétarisme : « J’optais pour le végétarisme, et sa propagation devint dès lors pour moi une mission. » Il adhéra bientôt à la Société végétarienne de Londres, puis fonda lui-même un club végétarien dans son quartier.

D’autres lectures et divers échanges alimentèrent sa réflexion. D’un point de vue éthique, il en vint ainsi à considérer qu’il devrait y avoir entre les êtres humains et les autres animaux une aide mutuelle, le plus fort devant protéger le plus faible, et non pas une relation de prédation. D’un point de vue spirituel, il se convainquit que l’on ne doit pas manger par plaisir, mais pour vivre – son aspiration pour l’ascétisme allait d’ailleurs influencer l’ensemble de sa vie.

 

 

Il renonça rapidement aux œufs et aux produits laitiers. Si les œufs sont généralement considérés comme de la viande par les hindous, le lait et le beurre clarifié (ghee) sont par contre très estimés, mais pour Gandhi, le seul lait éthiquement autorisé était le lait maternel, et il fit le vœu de ne plus en consommer.

Gandhi expérimenta tout au long de sa vie divers modes d’alimentation, dont certains franchement excentriques. Si on sait aujourd’hui quels dangers représente une alimentation mal équilibrée, la science et la médecine de l’époque ne lui furent malheureusement d’aucun secours. Totalement ignorant des bases d’une alimentation végétale équilibrée, il se nourrit par exemple exclusivement de beurre de cacahuète, de jus de citron et de fruits pendant des mois ; une autre fois, c’est pendant une année entière qu’il se priva de légumineuses (dont les bienfaits sont aujourd’hui largement démontrés), ou bien, il ne décidait de ne manger que des céréales. De façon générale, il ne consommait pas plus de cinq aliments différents par jour, souvent un seul repas, quand il ne jeûnait tout simplement pas. Ces expériences eurent pour effet prévisible de ruiner sa santé, et il dut se résoudre à consommer du lait de chèvre, ce qui fut « la tragédie de [sa] vie » puisqu’il rompit ainsi un vœu. « Si je le pouvais, je cesserais de consommer du lait ; mais je ne le peux pas. (...) J’ai cherché un substitut végétal au lait, mais, jusqu’à présent, je n’en ai pas trouvé », explique-t-il plein de regrets.

Les textes réunis dans Du végétarisme nous permettent de mieux connaître l’engagement de Gandhi en faveur du végétarisme, et aussi de comprendre comment il fut constamment déchiré entre son désir profond d’adopter une alimentation vegan (le mot n’existait pas encore à l’époque), et le fait de ne pas pouvoir le faire, faute de connaissances scientifiques suffisantes.

Il est certain que les connaissances scientifiques et médicales actuelles sur l’alimentation végétale lui auraient évité bien des tourments et des erreurs. Il aurait sans nul doute été ravi de pouvoir en bénéficier afin de s’alimenter sans cruauté, et respecter ainsi ce qu’il chérissait le plus au monde : la non violence envers tous les êtres sensibles.

 

En savoir plus sur l'alimentation végétale

Gandhi, Du végétarisme, Payot Rivages, 2018. Préface de Florence Burgat.

En apprendre plus sur le site des éditions Payot