Manifeste animaliste
- Article du Jeudi 24 mai 2018
Animalistes de tous les pays, de tous les partis et de toutes les confessions, unissez-vous ! À l’heure où la société prend conscience de l’exploitation animale, à l’heure où de plus en plus de voix s’élèvent pour revendiquer un monde dans lequel les animaux ne seraient plus maltraités et tués, le Manifeste animaliste de la philosophe Corine Pelluchon évoque la nécessaire politisation de la cause animale.
Face à l’étendue de la maltraitance animale, l’émergence d’un mouvement
L’immensité de la souffrance animale interpelle : dans les élevages et dans les abattoirs, pour la viande, le lait, les œufs ou la fourrure, dans les arènes des corridas et les cages des zoos, sur les pistes de cirque et dans les bassins des delphinariums, emprisonnés dans les filets de pêche, les animaux souffrent. Cette souffrance démesurée de milliards d’individus témoigne du mépris avec lequel les êtres humains considèrent trop souvent les animaux : leurs sensations et leurs émotions sont négligées, repoussées. Traités comme des ressources, les animaux ne sont pas perçus comme des êtres sentients. Pour la philosophe, cela est d’autant plus inquiétant que la violence que nous infligeons aux animaux est le reflet de la violence que nous infligeons aux êtres humains : se battre pour les animaux, c’est également se battre pour l’humanité.
Pourtant, face à un constat qui pourrait être désespérant, le militantisme s’organise dans la cause animale : activistes et bénévoles, dans diverses associations, donnent leur temps et leur énergie à un combat qui devient, souvent, le cœur de leur vie. Héritiers d’une longue tradition de luttes sociales, ces militants des droits des animaux ont la charge de préparer un futur dans lequel la libération des animaux sera également la nôtre.
La question animale est une cause politique
D’après Corine Pelluchon, pour accompagner cette mobilisation, la politisation de la question animale demeure nécessaire. En effet, le politique est seul en mesure de créer des lois qui garantiraient une justice pour les animaux, qui prendraient en compte leurs intérêts.
Pour cela, il nous faut formuler en termes juridiques ce que les animaux sont en droit d’attendre de nous, et créer le modèle d’une société dans laquelle nous pourrions vivre avec eux, et non plus à leurs dépens – à l’instar du modèle proposé par Sue Donaldson et Will Kymlicka dans leur ouvrage Zoopolis.
L’émergence de l’animalisme, mouvement philosophique, social, culturel et politique rassemblant aussi bien les associations de protection animale que des individus engagés pour les animaux, ouvre un débat de société en portant des convictions comme l’antispécisme et le véganisme. Engagés contre toute forme de discrimination, les animalistes font de la cause animale un enjeu éthique et politique incontournable.
Mesures à court terme, mesures à long terme
Si le politique est l’étape nécessaire pour agir contre une souffrance animale démesurée, quelle méthode, quelles mesures adopter ?
Pour Corine Pelluchon, l’ancrage de l’exploitation des animaux dans notre société est tel que les revendications strictement abolitionnistes sont actuellement vouées à l’échec. Selon elle, mieux vaudrait commencer par réclamer la fin des pratiques les plus cruelles pour les animaux qui sont jugées inutiles par une majorité de citoyens, comme la corrida, la chasse à courre, la captivité des animaux sauvages dans les cirques et les zoos, ou encore la fourrure et le gavage des canards et des oies.
Ces premiers combats s’accompagnent nécessairement d’une poursuite de la réflexion autour de l’élevage et de l’abattage. Un dialogue devra s’établir entre animalistes, éleveurs, distributeurs et consommateurs afin de faire émerger une remise en question de l’élevage.
Enfin, le combat pour libérer les animaux s’appuie également sur la culture et l’éducation : par l’intermédiaire d’artistes et d’intellectuels qui portent la voix des animaux, et grâce à un enseignement scolaire qui évoque l’éthique animale, le respect pour les êtres vivants et la compassion, nous préparerons un monde meilleur pour les humains comme pour les animaux.
Connaissez-vous L214 Éducation ?
Un texte court, un ouvrage indispensable
En moins de cent pages et dans des termes clairs, Corine Pelluchon élabore une pensée rigoureuse et cohérente, qui dessine le chemin vers la société de demain.
« Animalistes de tous les pays, de tous les partis et de toutes les confessions, unissez-vous. Unissez vos forces pour que la condition des animaux s’améliore ici et maintenant, et qu’un jour leur exploitation cesse [...]. La cause animale est universelle ; elle appartient à tous. En rendant justice aux animaux, c’est notre âme que nous sauvons et notre avenir que nous assurons. Nous avons un monde à y gagner. »
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Écouter l’entretien de Corine Pelluchon sur France Culture
Corine Pelluchon, Manifeste animaliste, Éditions Alma, 2017.