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L214, je vous en veux.


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Cette lettre nous est parvenue deux jours après que nous ayons publié les images de l'abattoir du Vigan. Émus par ces mots, nous remercions Delphine de nous permettre de les reproduire.


24 février 2016

Bonjour L214,

Si vous saviez comme je vous en veux. Parfois, la nuit je me réveille en larmes parce que je vois des petits veaux, rentrer dans un couloir tout sombre et froid. Je prends une crise de panique, je me mets à hurler, je me réveille et je pleure à leur place. Si vous saviez comme je vous en veux, parce que j'avais déjà une opinion terrible de l'humain et de sa cruauté, mais à cause de vous, j'en viens à détester tous les omnivores et prendre des crises de solitude.

Si vous saviez comme je vous en veux, parce que je suis curieuse et que je regarde des millions d'émissions diverses et variées sur la Terre, la Découverte, les Animaux et que lorsque je vois un agneau sautiller dans un pré, tout heureux et tranquille, je ne peux plus m'empêcher de penser que, peut-être, le lendemain, on va l'attraper lâchement pour le découper en carré de cuir.

Si vous saviez ce que je vous en veux d'avoir jeté autour de moi de l'isolement, parce que j'ai toujours été différente, et que le végétalisme ne m'aide pas à m'intégrer dans ce monde d'obtus. Je suis encore la fille bizarre, l'emmerdeuse, l'illuminée, la dingue. Si vous saviez comme je vous en veux, parce que parfois, je n'arrive pas à convaincre les gens qu'il faut faire attention à ce que l'on mange, à la manière dont on consomme, parce que je me mets en colère et que j'ai du mal à expliquer mes choix. Je n'ai pas encore réussi à gérer mes accès de colère.

Et finalement, si vous saviez comme je vous remercie, chaque fois que vous dénoncez. Si vous saviez ce que je vous remercie d'avoir la force que les autres n’ont pas, d'aller voir, et de constater.

Si vous saviez ce que je vous remercie d'avoir libéré mes épaules et ma vie, de m'avoir rendue légère. Si vous saviez comme je vous remercie de tenter d’œuvrer pour un monde meilleur. Si vous saviez comme je suis fière de tenter de ne plus avoir de sang sur les mains, même si je pense encore faire des erreurs. Si vous saviez comme je vous suis reconnaissante de m'avoir fait naître une seconde fois.

Si vous saviez comme je suis heureuse de pouvoir caresser des animaux et de leur murmurer : tu n'as plus à rien à craindre de moi. Si vous saviez ce que mon alimentation est devenue riche, variée, bonne, et positive. Si vous saviez à quel point, il fallait des personnes comme vous.

 

Delphine de "la campagne a nini"