"Réflexions sur la condition faite aux animaux" de Françoise Armengaud

  • Article du Dimanche 6 février 2011

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La presse n'en a guère parlé. C'est injuste. Quand paraît un livre d'Elisabeth de Fontenay ou de Florence Burgat, les médias s'en font (à juste titre) l'écho. Alors que Françoise Armengaud, qui connaît très bien les travaux des deux premières, et qui comme elles travaille depuis longtemps, en philosophe, sur la question animale n'a apparemment pas inspiré les journalistes. Peut-être un effet de la parution simultanée du livre de Foer, qui lui a eu (tant mieux) une couverture média incroyable. Il ne restait plus de place apparemment pour évoquer l'ouvrage de F. Armengaud qui, il faut bien le reconnaître, est plus difficile à présenter et commenter.

Si on lit la quatrième de couverture (ce à quoi on accède en allant sur les librairies en ligne), on ne se sent pas vraiment éclairé sur le contenu.

C'est que le livre est quasiment impossible à résumer parce que c'est un recueil d'articles écrits à diverses périodes (plusieurs gros articles sont récents) et sur divers thèmes, et que sur chaque thème, le travail de documentation et de réflexion qu'à fait l'auteur est très dense.

Tout ce qu'on peut dire de façon générale , c'est que Françoise Armengaud fait partie des philosophes qui analysent et condamnent le spécisme. Ce qui ne signifie pas du tout que si vous achetez le livre, vous allez y trouver la redite de ce que vous avez lu ailleurs dans vos écrits favoris sur spécisme ou droits des animaux.

Ces quelques mots de l'introduction de l'ouvrage donnent une idée du fil conducteur de sa réflexion :

<< Une question ma hante, sans cesse répétée : pourquoi la condition faite par les hommes aux animaux est-elle si atroce et impitoyable? ... Pourquoi les humains, a priori pas plus méchants les uns que les autres, ou que d'autres espèces, sont-ils si odieux avec les animaux? Que les humains soient également odieux entre eux n'arrange rien, est simplement à verser au dossier.

... Quelque part un échec (non désigné comme tel dans les traditions éxégétiques) ... nous invite à formuler une question. Pourquoi l'envoyé du Seigneur, qu'on dit être l'archange Gabriel, se montra-t-il si paresseux, négligent, indolent, inattentif, distrait, nonchalant, épuisé, harassé, courbatu, étourdi, qu'il ne se précipita point une seconde fois pour arrêter le bras docile du patriarche afin de protéger aussi le bélier du couteau ? Pourquoi ne sut-il s'aviser de proposer en lieu et place quelque arbuste, fruit ou aromate? La face du Temple en eut été changée, et pas seulement elle.>>

Trois exemples de thèmes traités dans de (gros) articles de ce recueil.

=> "Du sacrifice des animaux, ou comment l'absurde et le cruel se sont parés des plumes de l'intelligible"'. Le point de départ est une réflexion sur un argument parfois opposé au végétarisme : l'affirmation du caractère symbolique et fondateur du sacrifice et du meurtre rituel. Là dessus, F. Armengaud se livre à une enquête sur le sacrifice dans différentes civilisations, sur les interprétations qu'en ont donné les anthropologues, propose elle-même une partition en deux types de sacrifices où les victimes ont des statuts différents (et le sacrifice une signification symbolique différente), et conclut qu'elle n'est pas convaincue que le sacrifice soit l'explication ultime de la violence envers les animaux. Rien ne prouve qu'il soit "fondateur" au sens de nécessaire.

=> "Sur quelques sophismes touchant les droits des animaux". Contient un parcours des divers sophismes conduisant à mépriser les animaux, mais aussi deux passages faisant un point bien documenté sur l'abattage rituel et la corrida.

=> "Anthropomorphisme, vraie question ou faux débat?" Essai dont l'objet est ainsi défini par l'auteur : <<Je voudrais montrer que telle qu'elle est utilisée aujourd'hui dans la plupart des textes et des conversations ou débats, l'accusation d'anthropomorphisme vise essentiellement à porter le discrédit intellectuel sur certaines propositions (et sur les personnes les soutenant) non conforme à l'idéal scientifique en vogue, et allant à l'encontre de la pratique normale de la science et de la pratique normale des affaires. ... Et qui utilise aujourd'hui ce terme? Dans quels discours le trouve-t-on? Là où il y a des résistances à la prise en compte du bien-être animal, dans les revues professionnelles et chez certains zootechniciens.>>

Il y a aussi pas mal d'articles (toujours sur la question des animaux) portant sur des oeuvres philosophiques, littéraires, picturales ou cinématographiques. Faute de culture en la matière, je ne suis pas la lectrice idéale pour les apprécier. Mais certains sont très instructifs comme ce texte consacré au cochon dans l'Europe médiévale où l'on apprend des choses sur les chrétiens par rapports au juifs et une origine possible de l'invention par les chrétiens du mythe des juifs dévoreurs de petits enfants (chrétiens).

Estiva