« Ouvrir les yeux, ouvrir son cœur »
- Article du Mercredi 25 février 2015
Ouvrir les yeux, ouvrir son cœur. C’est le titre de l’ouvrage. Il suggère que les deux actes sont liés, que la connaissance mène à la compassion.
Lau R utilise la forme d’un journal de bord pour évoquer sa vie de nouvelle « veggie », comme elle se baptise elle-même. Elle nous livre ses réflexions, l’évolution de sa prise de conscience, la découverte de ses limites. Elle tente de se souvenir : comment considérait-elle les végétariens avant d’en faire partie ? Elle remonte plus loin, dans son enfance, et s’étonne de se remémorer qu’elle manifestait déjà un dégoût pour la viande, pour le poisson, pour le lait, produits qu’elle avait finalement appris à aimer au fil des années. Elle revient sur son déclic, le témoignage poignant d’une étudiante vétérinaire en abattoir (qu’on peut lire en annexe), découvert par hasard sur Internet, sur le bouleversement qu’il suscite en elle, les tremblements, le choc, les pleurs. On est loin des publicités mettant en scène des végétariens heureux et épanouis. Et pour cause, ce livre n’est pas une publicité pour le végétarisme, c’est un livre dont le substrat est l’authenticité.
Loin de revendiquer une quelconque perfection ou simplement une prétention de cohérence, l’auteure nous engage à faire de notre mieux, à écouter notre conscience. Elle ne se présente pas comme un modèle à suivre. Si son récit a une valeur d’exemplarité, c’est parce qu’il est empreint de tolérance, de sincérité et d’humilité.
L’auteure avoue sa mélancolie, admet que quand elle a pris conscience de ce qu’elle ignorait jusqu’ici « [s]a croyance en l’humanité s’est effondrée », parle de sa culpabilité d’avoir été si longtemps aveugle. En ce qui concerne le changement de son régime alimentaire, elle évoque franchement avoir connu le triptyque : frustration, tentation, transgression.
Renoncer à participer à l’exploitation animale entraîne nécessairement des choix pratiques ; cela implique également de nouveaux positionnements éthiques : elle changera de regard sur l’agriculture biologique, sur la publicité, sur la pollution.
On suit sa vie de veggie , son « coming-out », sa participation aux premières actions militantes, ses premiers débats, émaillés de la mauvaise foi qui résonne en nous tant elle est proche de celle que nous rencontrons quand nous essayons de faire entendre la voix des animaux.
Outre le fait que ce livre nous touche par sa sensibilité, il présente tout un pan didactique. L’auteure fait l’état des lieux des conséquences morales et sanitaires de la consommation de viande, décrit les conditions de vie des vaches et des poissons, des animaux de compagnie, des animaux de parcs aquatiques.
Le titre Ouvrir les yeux, ouvrir son cœur est un juste reflet du livre, qui aide effectivement à ouvrir les yeux du lecteur sur une réalité qui n’est pas réjouissante. Avec douceur et empathie, il nous aide également à ouvrir notre cœur, à valoriser la compassion, à chercher à devenir meilleur, mais aussi bienveillant avec nous-mêmes et avec les autres, à reconnaître et à prendre en compte nos limites.
Le dernier chapitre, sur le revenu de base, semble difficilement se raccrocher au reste de l’œuvre, le lien entre la revendication d’un revenu de base inconditionnel et la place des animaux dans notre société aurait gagné à être explicité. Cependant, il permet de refermer l’ouvrage avec une vision optimiste de l’humanité : l’être humain est capable de changer, de s’améliorer, de se montrer solidaire. C’est grâce à cette possibilité d’évolution que la prise en compte de la considération des animaux n’est pas qu’une utopie mais qu’elle peut être envisagée comme un avenir à construire. Ensemble.
Sara pour L214