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Biographies animales

  • Article du Mardi 16 mai 2017

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À travers son dernier livre, l’historien Éric Baratay propose des tentatives inédites de biographies animales construites à partir des ressentis, des perceptions ou des vécus d’animaux. Un ouvrage qui se place résolument du côté des animaux.

Couverture du livre Biographies Animales d'Eric BaratayLes biographies proposées par Éric Baratay se distinguent des œuvres antécédentes (1) par la méthode scientifique, le refus (autant que possible) de l’anthropomorphisme et de l’anthropocentrisme : ses récits se basent sur des faits réels, recoupent de nombreuses sources historiques, et l’auteur n’invente pas s’il vient à manquer d’informations. Il s’efforce de prendre le point de vue de l’animal, tâche aussi nécessaire qu’impossible, en essayant de retracer son environnement et ses perceptions, et en s’appuyant sur les récentes avancées éthologiques (2).

Baratay innove également au niveau du style : à aucun moment, il n'utilise le « je » pour se mettre à la place des animaux, mais opte pour des tournures comme « Il (ou elle) se sent tiré - frappé - emporté - sent une pression désagréable, de nouvelles odeurs - doit tendre les muscles » etc., qui nous permettent d'appréhender le vécu de l'animal et mettent en avant ses sens à lui, notamment l’odorat. Car avec des tournures de phrase ordinaires comme « On l'emporte, on le tire, on le frappe », l'humain serait encore au cœur de l'action.

Biographies animales souhaite tout d’abord retrouver le quotidien des animaux, leur expérience singulière, leurs relations avec l’environnement, leur représentativité par rapport à leur groupe, à leur espèce ou à leur époque (3). Puis, pour ne pas en rester à une collection de biographies, l’ouvrage cherche à replacer les récits dans une approche plus large : sociologique, ethnologique et historique.

La girafe exhibée en FrancePour d’évidentes raisons pratiques, l’auteur a opté pour des animaux célèbres en contact avec des Occidentaux, animaux qui ont été au cœur de récits, témoignages ou articles. Ainsi, cette girafe importée en France au XIXème siècle et qui a fait autant sensation que si, aujourd’hui, on exhibait un extraterrestre en place publique, des chimpanzés qu’on a sciemment cherché à « humaniser », Warrior, le cheval d'un haut gradé de la Première Guerre mondiale en qui tout le monde voyait de la bravoure alors qu'il était peut-être tétanisé de peur. Il se place également du côté de Modestine, la petite ânesse contrainte de porter le bât de Stevenson dans son fameux Voyage avec un âne dans les Cévennes, et de bien d’autres animaux.

Écrit dans un style dynamique, Biographies animales questionne aussi bien sûr notre rapport aux animaux et souligne les ajustements réciproques qui ont eu lieu, les efforts de compréhension et d’adaptation des animaux étant généralement bien supérieurs aux nôtres – car il en va souvent de leur survie.

 

Éric Baratay, Biographies animales, Seuil, 2017.
 

 

(1)    La production littéraire de récits de vies d’animaux, amorcée à la fin du XVIIIème siècle en Angleterre, avait déjà permis une certaine reconnaissance de ces derniers en tant qu’individus. Cette production, notamment limitée par son aspect fictif, les extrapolations et fortement empreinte d’anthropomorphisme, avait amorcé une certaine reconnaissance de ce que peuvent vivre les animaux.
(2)    Il fait ainsi ressortir une multitude d’interprétations erronées : l’éthologie indique par exemple qu'une girafe qui se tient tête droite sur un cou raide est inquiète, alors que le sens commun y voit un port majestueux et du détachement.
(3)    Jusqu’à récemment, on pensait que tous les individus d’une espèce se ressemblaient et on envisageait les animaux (ou plutôt, « l’animal ») au niveau de l’espèce, comme uniquement mus par leurs instincts, leur niant toute individualité.