Bannière « Bien-être animal » : le gouvernement annoncera-t-il de grandes mesures inédites ?

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Les préoccupations des Français autour de la souffrance des animaux pourraient (enfin) avoir trouvé de l'écho auprès de l'exécutif : le ministre de l'Agriculture, M. Didier Guillaume, promet en effet depuis plusieurs semaines de « grandes mesures ». Personne ne se fait d'illusion sur la probabilité d'annonces révolutionnaires, mais des évolutions pourraient avoir lieu au sujet de certaines pratiques d'élevage et d'abattage (broyage des poussins, castration à vif des porcelets), à moins que la pression des lobbies ne contraigne finalement le gouvernement à faire une simple opération de communication. Réponse dans quelques jours.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 : « Les annonces du ministre seront-elles à la hauteur des attentes ? Face à un gouvernement qui agit contre les animaux depuis deux ans et demi, le doute est permis. Sans espérer une avancée significative sur l'élevage intensif – soyons réalistes –, il reste possible d'imaginer des avancées ponctuelles mettant fin à des pratiques particulièrement cruelles aujourd'hui encore légales et routinières, comme le broyage des poussins ou la castration à vif des porcelets. Serons-nous dans le domaine des simples effets d'annonces ou y aura-t-il des changements dans la législation ? Nous sommes impatients d'entendre ces mesures inédites annoncées depuis des mois. »

 

De « grandes mesures » ?

Les informations sont subtilement distillées dans la presse depuis la fin du mois d’août : la rentrée serait enfin l’occasion d’avancer sur la condition animale. Pour ouvrir le bal, M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, assurait dans une tribune porter « une attention redoublée au bien-être animal » (L’Opinion, 28/08/2019). Des intentions qu’il confirmait le lendemain : « nous allons annoncer des grandes mesures dans les semaines qui viennent avec le président de la République et le Premier ministre » (CNews, 29/08/2019). En effet, M. Emmanuel Macron « pousse le gouvernement à s’emparer du thème du bien-être animal » sous l’impulsion notamment de M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse (Le Canard enchaîné, 09/10/2019).

Les annonces du ministre de l’Agriculture ne concerneraient a priori que la filière œufs et la filière porcine :

  • « Nous allons mettre fin au broyage des poussins » (Agra Presse, 27/09/2019). Cette initiative, issue de l’avancée de la recherche en matière de sexage in ovo, fait suite au travail initié par M. Stéphane Le Foll, attribuant alors plus de 4 millions d’euros pour développer le procédé (Politique & Animaux, 18/08/2015). M. Didier Guillaume et son homologue allemande ont par ailleurs déclaré vouloir mettre fin au broyage des poussins fin 2021 (Tweet de Didier Guillaume, 16/10/2019).

 

  • « Nous faisons un énorme travail sur [la castration à vif] et des annonces seront faites début octobre » (Le Monde, 06/09/2019). En effet, il y a quelques mois, en réponse à une question écrite de M. Loïc Dombreval, député des Alpes-Maritimes et président du groupe d'études Condition animale à l'Assemblée nationale, le ministre de l’Agriculture soulignait que « la recherche d'alternatives à cette pratique est devenue une priorité » mais restait évasif sur l’option retenue (Journal officiel, 09/07/2019).

 

Le contour de ces mesures sera dévoilé dans les jours qui viennent. En tout cas, les députés de la majorité, à l’instar de Mme Aurore Bergé, députée des Yvelines et porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée nationale, préviennent : « on a pris des engagements sur la question de l’interdiction du broyage des poussins, sur la castration à vif des porcelets. Le ministre a dit qu’il ferait des annonces ; on les attend de pied ferme dès le mois de septembre et on souhaite aller plus loin avec notre proposition de loi. » (France Info, 21/08/2019).

Alors que le ministre de l’Agriculture avait invité début octobre les organisations de défense des animaux membres du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) pour leur présenter ces « annonces », la réunion a finalement été reportée au 29/10/2019 pour consulter les filières (Agra Presse, 27/09/2019). Les ONG (CIWF France, Confédération nationale – Défense de l’animal, Fondation assistance aux animaux, Fondation Brigitte Bardot, Fondation 30 Millions d’Amis, Société protectrice des animaux, Fondation droit animal, éthique et sciences, Ligue française pour la protection du cheval, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs et Welfarm) dénoncent « l’ONG bashing » de M. Didier Guillaume, ainsi que « des mesures décidées unilatéralement, sans aucune concertation préalable [des associations] » (Communiqué de presse, 01/10/2019).

[edit du 30 octobre 2019]
Initialement envisagée à la rentrée, la date des annonces est à nouveau repoussée par M. Didier Guillaume : « ce sont des annonces que nous allons faire dans les semaines qui viennent. Novembre ou décembre... On verra ce qui se passera avec le Premier ministre et ce qui sera décidé. » (France Inter, 30/10/2019)
 

Le gouvernement agit contre les animaux

Ces annonces arrivent dans un contexte dans lequel la condition animale ne semble pas encore considérée comme une question majeure par le gouvernement, avec un bilan peu reluisant depuis le début du quinquennat, à l’image de celui du ministre de l’Agriculture.

→ Voir les prises de position de M. Didier Guillaume sur Politique & Animaux

Premier rendez-vous manqué, l’examen du texte issu des États généraux de l’alimentation, dont l’ensemble des amendements favorables aux animaux ont été rejetés, notamment ceux qui traduisaient des engagements de campagne du président de la République (mise en place du contrôle vidéo dans les abattoirs, fin des élevages de poules en cage), et ceux relatifs aux pires pratiques d’élevage et d’abattage (fin du broyage des poussins mâles, interdiction de la castration à vif). « En prenant la décision d’avancer à contresens de l’histoire, nos députés ont raté un rendez-vous : celui de l’engagement de notre société vers plus de justice et de compassion au bénéfice de tous. » (L214, 28/05/2018).

Un Comité national d'éthique des abattoirs (CNEAb) se réunit depuis juin 2017, en l’absence de L214, délibérément exclue alors que le travail d’enquête de l’association en est à l’origine. Le rapport publié par cette instance « n’apporte aucune nouvelle proposition pour faire véritablement appliquer la réglementation ou faire évoluer la législation » (L214, 04/04/2019).

Suite à la révélation de l’enquête dévoilant le sort des vaches à hublot dans un centre privé d'expérimentation zootechnique, M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, et Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de l’Écologie, ont défendu des expérimentations « utiles », « qui ne font pas souffrir l’animal »... Une fois de plus, « le gouvernement [vole] au secours de la productivité de l’élevage intensif » (L214, 27/06/2019).

Lors de la canicule de l’été 2019, le ministre de l’Agriculture annonçait le 27 juin avoir pris un arrêté la veille pour interdire le transport d’animaux, alors qu’aucun texte n’était publié au Journal officiel (Libération, 29/06/2019). Un arrêté moins exigeant était publié quelques semaines plus tard...

Au milieu de l’été, M. Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture en charge du « bien-être animal », et Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, assistent à une corrida à Bayonne (Sud Ouest, 15/08/2019). Même si le ministre « regrette que ça ait pu choquer un certain nombre de citoyens qui sont contre ces pratiques » (Le Parisien, 19/08/2019), un profond décalage s’est installé entre le ministre et la société, amenant un collectif de personnalités et d'associations à demander le retrait de sa compétence « protection animale » (Libération, 12/09/2019).

Enfin, l’interdiction de la construction de nouveaux bâtiments d’élevage de poules en cage ou de leur réaménagement (votée en 2018) pourrait être discrètement modifiée par la publication d’un décret d’application autorisant certains travaux (Libération, 27/09/2019) : un nouveau recul autour d’une disposition déjà peu ambitieuse.

Face aux conséquences dramatiques de notre modèle agricole et alimentaire sur les animaux, l'environnement, le partage des ressources, la santé publique, les conditions de travail des éleveurs et des salariés de l'agroalimentaire, plus de 200 personnalités et organisations, appuyées par près de 100 000 signataires, se mobilisent pour exiger des politiques ambitieuses de sortie de l’élevage intensif. Ils demandent « des actes, des mesures fortes et concrètes pour sortir de l’impasse » (Le Monde, 05/09/2019).

86 % des Français considèrent que les pouvoirs publics doivent s'occuper du « bien-être » des animaux d'élevage (Eurobaromètre, Commission européenne, 2016). Face à cette forte attente sociétale, la laborieuse rentrée de l'exécutif pourrait illustrer son absence d'ambition en matière de « bien-être animal ».


Bannière La pisciculture, un autre visage de l’élevage intensif

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L’organisation de défense des animaux Compassion Over Killing a récemment publié une enquête sur les conditions d’élevage des saumons aux États-Unis. Les images ont été tournées dans une écloserie de saumons dans le Maine, une exploitation qui produit à elle seule des millions de poissons chaque année.

Rongés par des champignons ou des parasites, les saumons vivent dans des conditions tellement insalubres qu’ils doivent être vaccinés afin d’éviter la propagation de maladies. Mal anesthésiés, ils se débattent violemment tandis qu’on leur enfonce une aiguille dans le corps ou qu’on leur entaille les nageoires pour les identifier. Les animaux qui ne sont pas jugés « rentables » sont simplement jetés comme des ordures dans des bidons où ils suffoquent lentement ou meurent écrasés sous le poids de leurs congénères.

Comme dans toutes les formes d’élevage intensif (chez les poules ou les cochons notamment), l’extrême promiscuité donne lieu à des troubles du comportement, tel que le cannibalisme : « Si les poissons ne sont pas assez nourris, ils vont prendre la pupille des autres poissons pour de la nourriture. Ils vont alors s’y attaquer et la picorer. On voit parfois des yeux manquants » raconte un employé.

Les images montrent également le personnel de l’écloserie jeter des poissons dans un bassin situé à plusieurs mètres, les frapper contre une paroi, sur le sol ou à coups de pied.

Bassins surpeuplés, eaux sales, manque d’oxygène, parasitisme, abattage sans étourdissement… : la situation des poissons d’élevage n’est pas meilleure en France. En 2018, notre enquête dans des piscicultures et un abattoir du groupe Aqualande, leader français de la production de truites, levait le voile sur ce pan méconnu de l’élevage intensif. En France, ce sont 500 000 poissons qui sont tués chaque jour dans les abattoirs.

Voir l’enquête de L214 chez Aqualande

Les poissons sont des êtres sensibles

Les études scientifiques sont aujourd’hui claires : les poissons sont des êtres sensibles, au même titre que les animaux terrestres. Lena Lindström, éthologue, le confirme : « La majorité des biologistes, philosophes et neuroscientifiques s’accordent aujourd’hui pour dire que les poissons ressentent la douleur. [...] Toutes les raisons qui justifient que l’on s’abstienne de tuer et de consommer des vertébrés terrestres s’appliquent également aux poissons. »

De récentes études ont d’ailleurs révélé des aspects étonnants de la vie mentale et émotionnelle de ces créatures marines, ainsi que des comportements surprenants ! Saviez-vous par exemple que certains poissons monogames peuvent avoir des chagrins d'amours ? Qu’ils forment des chœurs et chantent comme le font les oiseaux ? Ou que le poisson-zèbre, comme les êtres humains, a un sommeil polyphasique ? Celui-ci passe ainsi par des phases de sommeil paradoxal, la période pendant laquelle les rêves surviennent chez l’homme. Quant au labre nettoyeur, un petit poisson tropical, il serait capable de se reconnaître dans un miroir !

Si nos cousins aquatiques vous intriguent, plongez-vous dans Les Paupières des poissons, de Sébastien Moro et Fanny Vaucher, une BD éthologique pleine d’humour, ou dans le fascinant ouvrage du biologiste Jonathan Balcombe, À quoi pensent les poissons ?

Lire notre entretien avec Lena Lindström, éthologue
En apprendre plus sur l’intelligence et la vie sociale des poissons

Bien se nourrir sans faire souffrir

La pisciculture est une forme d’élevage tout aussi cruelle que l’exploitation que l’on impose aux animaux terrestres. Pour ne pas nuire à ces êtres sensibles que sont les poissons, gardons-les hors de nos assiettes !

Il existe en effet des alternatives pour retrouver les saveurs marines, sans pour autant se priver des précieux oméga-3 et autres nutriments essentiels à notre santé. Pour bien se nourrir sans faire souffrir, rendez-vous sur le site Vegan Pratique.

Découvrir des recettes pour remplacer le poisson

 

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Bannière Pour des Kapparot de la compassion

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Les 8 et 9 octobre, la communauté juive célébrera Yom Kippour, le Jour du Grand Pardon. Dans certaines communautés orthodoxes, cette fête sera précédée du sacrifice brutal d’innombrables poulets pour les Kapparot. Une fois encore, des voix s’élèvent, y compris dans la communauté juive, pour réclamer la fin de ces actes cruels envers les animaux.

Le sacrifice de poulets pour les Kapparot, un rituel cruel

 

Les Kapparot sont célébrées la veille ou les jours précédant la fête de Yom Kippour. Pour s’absoudre de leurs péchés, certains pratiquants font tourner plusieurs fois au-dessus de leur tête un poulet en prononçant des paroles rituelles. Les poulets sont ensuite sacrifiés selon le rite, c’est-à-dire qu’ils sont égorgés sans étourdissement et vidés de leur sang. Selon certaines interprétations du rite, leurs corps sont ensuite offerts aux plus démunis. Sur les images que nous avions obtenues en 2016, ils étaient jetés à la poubelle.

 

 

Cette mise à mort brutale n’est que la fin d’une longue période de souffrance pour les oiseaux : entassés dans des caisses, ils sont parfois laissés sans nourriture des jours durant, avant d’être égorgés et abandonnés à leur agonie – des pratiques décrites en détail et dénoncées par l’association états-unienne Alliance to End Chickens as Kaporos.
 

Des officiels israéliens encouragent à célébrer les Kapparot sans souffrance

 

Ces pratiques sont d’autant plus inacceptables qu’il est tout à fait possible d’accomplir le rituel des Kapparot avec de l’argent plutôt qu’en sacrifiant un poulet : cette année encore, des responsables politiques ou religieux ont d’ailleurs pris la parole pour le rappeler.

En septembre 2018, le Grand Rabbin Meir Mazouz a enjoint les pratiquants à donner de l’argent, notamment pour épargner aux oiseaux une terrible souffrance : « Comment cela peut-il apporter du réconfort aux plus démunis ? Parfois ces poulets sont entassés dans des voitures pendant des jours, c’est maltraiter les animaux ! ». Le rabbin a aussi rappelé que cette pratique est de peu d’utilité pour les pauvres : il considère qu’un don charitable pour les Kapparot permet d’aider plus efficacement ceux qui en ont le plus besoin.

Le lendemain de cette déclaration, c’était au tour du monde politique de faire entendre un appel à la compassion : le ministère de l’Agriculture israélien a ainsi lancé une campagne pour conseiller aux citoyens de fêter les Kapparot en utilisant de l’argent, et non pas un poulet. Un petit dessin animé a notamment été réalisé : on y voit un homme préparer un poulet pour les Kapparot, et tandis que celui-ci proteste contre son sacrifice, la voix off dit alors : « Cette année, célébrons les Kapparot avec de l’argent et venons en aide aux plus démunis. »

 

 

Les Kapparot aujourd’hui : l’heure de la compassion

 

Ce n’est pas la première fois que de hauts responsables appellent à la bienveillance envers les animaux, et demandent aux pratiquants d’épargner les poulets lors des Kapparot : les villes de Tel-Aviv, de Rishon Letzion et de Petach Tikva ont même d’ores et déjà interdit le sacrifice à cette occasion – une décision prise pour protéger les animaux. Mais en France, les responsables religieux tardent à prendre position publiquement au sujet des oiseaux brutalisés et tués pour les Kapparot.

En 2016, L214 avait pourtant appelé le Grand Rabbin de France et le Grand Rabbin de Marseille à s’exprimer en faveur des poulets sacrifiés. En réponse à notre enquête, les chefs religieux avaient d’ailleurs affirmé s’opposer au sacrifice des poulets tel qu’on peut l’observer sur nos images : « La très regrettable dérive que vous avez observée est en totale contradiction avec la Halakha (loi juive) et le droit français », précisait ainsi le Grand Rabbin de France dans la lettre qu’il adressait à L214 en 2016.

Espérons cette année que le vent tourne et que ces appels à la compassion soient enfin entendus.