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Vous voulez faire torturer un canard ? Parrainez-le !


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De nombreux refuges proposent de parrainer un animal sauvé de l’élevage ou de l’abattoir. Son parrain paye ainsi sa nourriture, des soins et participe aux frais du refuge où l’animal vit paisiblement. Cette belle idée a visiblement inspiré une association, qui a mis en place une action de parrainage de canards. Sauf que là, on paye pour qu’ils soient torturés et tués.

Cette opération, poétiquement appelée « La cagnotte des champs », a pour objectif de contribuer à la reconstitution du cheptel de canards exterminé à l’occasion de la récente épidémie de grippe aviaire (1). Via la Cagnotte des champs, il est ainsi possible de parrainer un ou plusieurs canards qui seront placés chez des gaveurs. Et, tout comme pour les parrainages dans les refuges, l’association Cagnotte des champs s’engage à tisser un lien entre le donateur et l’animal :

“ À partir d’un montant de 5 euros par don, un contributeur peut parrainer son propre caneton, le nommer et choisir l’exploitation dans laquelle il sera élevé. Il recevra en contrepartie des nouvelles de son caneton et de sa nouvelle vie ! ”

Supposons donc qu’un quidam parraine trois canetons. Il reçoit la photo de ses trois canetons, des poussins encore ébouriffés de duvet puisque les canetons sont livrés aux élevages dès le premier jour de leur vie. Que les trois canetons soient des mâles n’est pas un hasard, car les femelles ont sans doute été déjà broyées vives : elles ont un foie trop nervé pour faire du foie gras acceptable – les poussins sont donc triés dès l’éclosion et les femelles sont éliminées.

Canetons broyés
Les canetons femelles, impropres au gavage, sont broyées vives.

 

Nos trois canetons, en quelque sorte des survivants du hachoir, arrivent groggy à l’élevage : outre le transport, on leur a brûlé l’extrémité du bec dans le couvoir où ils ont éclos.

Les canetons ont le bec brûlé.
Le bec des canetons mâles est brûlé.

 

Comme le parrainage ne commence qu’une fois dans l’élevage, tri et débecquage des poussins ne sont pas mentionnés au parrain - ni, évidemment, l’insémination des canes, qui se fait encore en amont de toutes ces opérations.

Insémination d'une cane.
Des canes communes sont inséminés avec du sperme de canard de Barbarie pour produire des canards hybrides Mulards, race sélectionnée pour le gavage.

 

Notre parrain vient de recevoir la photo des trois petites boules de duvet jaune, qu’il décide de nommer Riri, Fifi et Loulou. Quelles nouvelles des oiseaux, l’éleveur, qui a reçu ces 3 canetons ainsi que 800 autres, pourrait-il ensuite envoyer au parrain soucieux du bien-être de ses petits protégés ? Les 40 premiers jours, ça se résumerait probablement à : « Tout va bien, les canetons sont au chaud et à l’abri dans un hangar chauffé. »

Poussins de canard mulard en élevage.
Les canetons sont enfermés par centaines dans un hangar. Ils ne connaitront jamais la chaleur maternelle.

 

Les 40 jours suivants donneraient quelque chose comme : « Vos canards ont bien grandi. Ils sont emplumés et ont désormais accès au plein air, sur un terrain sécurisé. »

Jeunes canards en élevage, avant le gavage.
Les canards sont ensuite placés pendant 40 jours sur un terrain nu, sans mare ni étang. Des flaques de pluie leurs offrent parfois quelques centimètres d’eau boueuse.

 

Mais patauger dans des flaques n’est pas très rentable : n’oublions pas que la Cagnotte a été mise en place pour soutenir les éleveurs. À 80 jours, ils prennent donc le chemin des cages et du gavage, comme 90 % des quelques 30 millions d'oiseaux élevés chaque année en France pour le foie gras.

Canards en cages collectives pour le foie gras
Les canards sont enfermés dans des cages de batterie collectives au sol grillagé, leur espace est si réduit qu'ils ne peuvent étendre les ailes sans se gêner les uns les autres. Ils n’ont évidemment pas accès à de l’eau, dont ils ont pourtant un besoin biologique très fort.

 

Soucieux de tenir le parrain au courant de la nouvelle vie de ses canards, l’éleveur lui écrirait alors : « Les canards sont au mieux. Comme l’alimentation progressive et contrôlée de 12 jours va commencer, ils sont désormais placés avec d’autres canards dans un logement collectif, dans un hangar spacieux et ventilé, sous haute surveillance sanitaire et technologique. »

Gavage, cages collectives France
Le gavage consiste à enfoncer un tube de métal dans la gorge de l’oiseau pour lui faire avaler de force une quantité énorme de nourriture très calorique et déséquilibrée. Son foie devient énorme et le canard peine à respirer.

 

Mais, quelques jours plus tard, une bien triste nouvelle attend le parrain : Fifi est mort, l’œsophage perforé par le tube de gavage. « Heureusement, vos deux autres petits protégés vont bien », lui écrit-on.

Canard mort au cours du gavage
La mortalité des oiseaux est 10 à 20 fois plus élevés en gavage qu'en élevage. Les oiseaux souffrent de diarrhées, d'épuisement. Trop affaiblis ou blessés, plus d'un million agonisent et meurent chaque année en gavage.

 

Et voilà qu’à peine quelques jours plus tard, c’est au sujet de Riri qu’on se fait du souci : « Riri ne va pas très bien. Je ne sais pas s’il pourra tenir jusqu’à la fin de la semaine, je m’en occupe du mieux que je peux. »

Canard en détresse, gavage.
Leur foie est dans un tel état pathologique que l'animal meurt du gavage si on le poursuit quelques jours de plus que prévu. Certains meurent même en cas d'arrêt immédiat du gavage car, « après un gavage prolongé (15 à 21 jours), la récupération n'est plus possible, le foie gras de l'animal conservé vivant évolue vers la cirrhose. » (INRA)

 

Contre toute attente, Riri tient le coup, et au bout de 12 jours de gavage, le voici entassé dans une caisse et expédié avec Loulou vers l’abattoir. C’est l’occasion pour notre parrain de recevoir un dernier message : « Riri et Loulou ont fini leur belle vie. Je vous remercie encore d’avoir parrainé ces trois oiseaux, même si, évidemment, je regrette que Fifi soit mort. Ce sont grâce à des personnes comme vous que « les canards n’ont pas dit leurs derniers mots », comme l’a si bien dit la Cagnotte des champs ! ».

Canards tués à l'abattoir pour le foie gras
Après leur avoir chacun reçu une bonne décharge électrique, ils sont saignés d’un coup de couteau au fond de la gorge. Certains se réveillent avant la saignée et battent longuement des ailes avant de mourir.

 

La Cagnotte des champs prétend « accompagner la transformation de l’agriculture française » et du « produire différemment. » En quoi soutenir une pratique interdite pour motif de cruauté dans la plupart des pays de l'Union Européenne, revient à « produire différemment » ? Pourquoi cette Cagnotte s’attache à soutenir une filière déjà grassement subventionnée - avec, entre autres, 146 millions d’euros versés début 2016 ? N’est-ce pas déroutant de constater que, sous couvert d’une communication bon enfant, des médias et des entreprises relaient cette opération, se rendant activement complices de la souffrance et de la mort de milliers d’oiseaux ? N’est-ce pas aberrant de voir que des personnes parrainent des canards voués au gavage, et que certaines réclament réellement des nouvelles ? À moins que nous ne soyons en pleine dissonance cognitive, ou que nous nous imaginions naïvement  qu’il est possible d’aider des gaveurs tout en étant gentil avec les canards ?

Une véritable transformation passe par les alternatives végétales, de la production à la consommation, et non à s’acharner à soutenir des pratiques engendrant la torture et la mort de dizaines de millions d’oiseaux chaque année.

Refuser le foie gras est la meilleure chose à faire pour épargner des canards. Encore faut-il en avoir conscience.

Affiche L214 censurée
Affiche refusée pour le métro parisien : en savoir plus sur cette censure.

(1) Pour en savoir plus, lire notre note de blog “Grippe aviaire, chronique d’un massacre”.