Recueil de douze articles, issus des Cahiers antispécistes pour certains, inédits pour d’autres, La Révolution antispéciste ne vous laissera pas indifférent. Balayant l’ensemble des thématiques fondamentales de la réflexion antispéciste, dans un style à la fois rigoureux et accessible à tous, voilà un ouvrage qui vous entraînera vers de spectaculaires changements de perspective !
C’est à partir du début des années 1990 que se développe, au sein des Cahiers antispécistes, une véritable pensée antispéciste, longtemps restée dans l’ombre du milieu universitaire et alors encore trop méconnue du grand public, parfois même des militants de la cause animale. L’objectif principal des cinq co-rédacteurs de La Révolution antispéciste, Yves Bonnardel, Thomas Lepeltier, David Olivier, Estiva Reus et Pierre Sigler, dans ce livre édité aux Presses Universitaires de France, est donc de mettre en lumière une philosophie pour le moins… innovante.
Pourquoi l’antispécisme est-il une révolution ?
« L’antispécisme est l’idée selon laquelle l’espèce n’est pas un critère pertinent de considération morale. Il faut prendre en compte l’intérêt (ou : les droits) des individus, quelle que soit leur espèce » (p. 14).
Si la définition est courte, les conséquences de cette position morale n’en sont pas moins immenses, comme le montre parfaitement cet ouvrage.
Le spécisme, l’opposé de l’antispécisme, est une posture intellectuelle qui consiste à faire de l’appartenance d’un individu à une espèce un critère de considération morale.
« Concrètement, cela veut dire que vous êtes spéciste si, pour la simple raison qu’ils ne sont pas humains, vous estimez que des animaux peuvent être exploités et tués juste pour votre consommation ou vos loisirs » (p. 13).
Rompre avec le spécisme, c’est donc, ni plus ni moins, amorcer la fin de la cruauté envers les animaux ! En ce sens, comme l’explique David Olivier dans le chapitre « Qu’est-ce que le spécisme ? », l’antispécisme peut être rapproché des grands mouvements historiques de lutte contre les discriminations, notamment envers les femmes et les personnes racisées.
La Révolution antispéciste apparait donc comme une lecture indispensable, même au-delà du cercle des militants de la cause animale !
Le crépuscule des idoles
Comme dans toute révolution, l’antispécisme doit faire face à des idéologies qui, tentant de justifier l’injustifiable, s’opposent à l’évolution des mentalités et des pratiques. C’est pourquoi la plupart des articles de ce recueil s’attachent à déconstruire les dogmes sur lesquels repose le spécisme.
Le chapitre « La vie mentale des animaux », écrit par Pierre Sigler, présente un panel d’études scientifiques démontrant que les animaux possèdent une vie mentale et émotionnelle tout aussi riche que la nôtre. Saviez-vous, par exemple, que les corbeaux sont capables, non seulement d’utiliser des outils, mais aussi d’anticiper leur utilisation en les mettant de côté jusqu’à 17 heures en avance ? Et voilà le dogme du propre de l’humain qui s’effondre.
« Peu importe, diront certains, la domination humaine est naturelle. C’est évident, les poulets sont faits pour être rôtis ! ». C’est donc au culte de la « Nature » qu’il faut s’attaquer, désacralisation opérée par Yves Bonnardel dans le chapitre « En finir avec l’idée de Nature ». L’auteur montre en quoi cette rhétorique du « naturel » cache en réalité bien souvent une habitude sociale qu’un groupe dominant ne souhaite pas perdre. Dans cet ouvrage où les auteurs n’ont pas peur de rouvrir des questions qui semblaient définitivement closes, les notions d’« espèce », d'« essence » ou encore de « nature humaine » sont également passées au crible de la critique antispéciste.
De l’antispécisme aux antispécismes
Dans le chapitre intitulé « Utilitarisme et anti-utilitarisme dans l’éthique animale contemporaine », Estiva Reus décrit avec une grande clarté les débats existant au sein même de l’antispécisme et montre ainsi que celui-ci, loin d’être une doctrine unidimensionnelle et figée, est une pensée vivante et dynamique qui gagne sans cesse en relief et en épaisseur.
Cet ouvrage est la porte d’entrée idéale vers un courant de pensée qu’il est des plus urgents de (re)découvrir : il nous invite, avec rigueur et clairvoyance, à interroger et à transformer notre manière de cohabiter avec les autres animaux, qui, comme nous, sont sensibles. Comme le conclut Estiva Reus : « C’est aussi toute une représentation du monde qui est en train de se fissurer – celle fondée sur la partition du réel entre les hommes et la nature (le reste) – sans qu’on perçoive encore nettement les contours de celle appelée à la remplacer » (p. 256).
Vous l’aurez compris, La Révolution antispéciste est désormais un livre incontournable.
La Révolution antispéciste, Collectif, PUF, 2018.