Ces derniers mois, d’odieuses mutilations de chevaux défraient la chronique. Les auteurs en sont inconnus, tout comme leurs motivations, et les gendarmeries s’activent à éclaircir ces drames.
Ils sont des dizaines à avoir été mutilés dans les prés, et plus d’une trentaine tués – des chevaux, des poneys, des ânes, des vaches, un taureau et un lama ont été récemment massacrés à travers la France. On ose à peine imaginer la terreur et les souffrances endurées par ces animaux, et on partage toute la douleur et l’inquiétude de leurs propriétaires, dont certains doivent affronter la perte de leurs chers compagnons, et qui sont en plus si démunis face à l’inconnu : qui sera le prochain sur la liste ? Qui sont les coupables et quels sont les mobiles qui les animent ? Actes sadiques, rituels sataniques, paris odieux... aucune hypothèse n’est écartée.
Les propriétaires d’équidés s’organisent comme ils peuvent pour protéger les animaux. Une carte localisant les mutilations a été établie, des rondes sont organisées, des caméras placées dans les prés, les animaux rapprochés des habitations.
Le gouvernement s’est saisi de l’affaire. Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, indique que la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires est mobilisée1. Un portrait-robot a été dressé et plus de 150 enquêtes ont été ouvertes, dont 30 pour faits graves2 ; les gendarmes multiplient rondes et visites préventives. Le numéro vert d’une cellule d’accompagnement (0 800 738 908) a été mis en place, et des recommandations officielles sont diffusées par la gendarmerie, qui indiquent notamment de ne pas agir directement en cas de présence suspecte mais d’appeler le 17.
Toutes ces mesures sont évidemment nécessaires, et on aimerait tous pouvoir faire tellement plus pour protéger ces animaux si vulnérables dans leurs prés.
Cependant, comment ne pas songer aussi au sort de tous les chevaux, veaux et autres animaux anonymes tués en masse dans les abattoirs ? En France, environ 13 000 chevaux sont abattus chaque année. Plus de la moitié d’entre eux sont des chevaux de course réformés (jeunes chevaux non sélectionnés, chevaux blessés ou chevaux en fin de carrière). Dans les abattoirs, comme celui du Jura où nous avons enquêté en 2018, ceux qui résistent sont brutalisés à coups de bâton ou d’aiguillon électrique, puis tous ont le crâne perforé pour être « étourdis » – mais pas tués, puisque ce sont les battements de leur cœur qui les feront se vider de leur sang –, suspendus par une patte arrière et égorgés.
Et comment ne pas penser aux animaux égorgés à vif dans les abattoirs, aux canards gavés pour le foie gras, aux taureaux torturés dans les arènes pour le divertissement, aux cochons castrés à vif, aux poulets, aux lapins et à tous ceux enfermés à vie dans des cages minuscules ou des bâtiments obscurs, et qui se succèdent sans fin dans les abattoirs, tués à la chaîne, à raison de 3 millions chaque jour rien qu’en France ? Des millions d’animaux subissent ces tortures routinières, et aucune mesure n’est réellement prise pour mettre un terme même aux pires pratiques de l’élevage.
Comment, aussi, ne pas être frappé par le contraste saisissant qui existe entre d’un côté les efforts officiels heureusement déployés pour arrêter des tortionnaires en liberté, et de l’autre côté, l’énergie déployée, les arguments grotesques, le manque de courage politique pour maintenir des pratiques cruelles – mais légales – en particulier dans les élevages et les abattoirs ?
D’une certaine façon, le martyre des chevaux massacrés fait écho à celui que les animaux endurent par millions dans les élevages, les abattoirs, les arènes de corrida, les cirques, et tous les lieux où ils sont exhibés, exploités, torturés, traqués, tués.
Face à ces souffrances inutiles, nous avons tous le pouvoir d’agir. Nous pouvons, par exemple, choisir de réduire ou arrêter notre consommation de viande, ou interpeller nos élus. Les moyens d’agir pour les animaux sont nombreux : saisissons-les afin qu’ils aient une vie heureuse et paisible, la vie que chaque être sensible mérite d’avoir.