Des millions d’oiseaux sont actuellement massacrés en France pour sauver la filière foie gras, qui condamne au supplice du gavage canards et oies. Et si nous allions plutôt vers un monde moins violent ?
Des millions d’oiseaux massacrés pour contrer l’épidémie de grippe aviaire
Certains chiffres donnent le tournis. Ainsi, ceux donnant le nombre d’oiseaux « détruits » pour tenter de contrer l’actuelle épidémie de grippe aviaire.
En Europe, plus d’1,5 million d’oiseaux – dont plus d’un million pour la France - ont déjà été massacrés, mais il n’est pas exclu d’aller jusqu’à 3,72 millions (1).
Des mesures sont prises pour tenter de contrer cette épidémie comme le confinement des oiseaux ou l’interdiction de les transporter mais, impuissants à contenir le virus, nous appliquons désormais la politique de la terre brûlée en éliminant les oiseaux non contaminés et les survivants. Le vide sanitaire fera suite au massacre.
La façon dont les canards sont « détruits » est généralement passée sous silence. Ouest France nous apprend toutefois que « L'abattage a lieu au sein même des exploitations touchées ou, après transport, dans des abattoirs réquisitionnés par les services de l'État. Les animaux sont la plupart du temps euthanasiés par la dispersion d'un gaz à forte teneur en CO2 ». Étant donné que les canards ont la faculté de se mettre en apnée, le gazage provoque très certainement une agonie prolongée chez eux - alors même que le CO2, employé pour des cochons dans certains abattoirs comme celui d’Alès, est un gaz déjà reconnu comme étant source de souffrances pour les animaux exposés.
Capture d'écran de Le Monde
Fin 2015, une première épidémie s’était déjà déclarée dans le Sud-Ouest français, mais sans « abattage massif », la plupart des canards et des oies étant déjà enfermés dans les bâtiments, prêts à être gavés. S’en étaient suivis vide sanitaire, désinfection, grand nettoyage et interdiction de toute nouvelle acquisition d’oisons et de canetons pendant 4 mois, jusque fin mai.
Mais fin 2016, la grippe revient, plus virulente encore, et rien qu’entre le 5 et le 20 janvier, 800 000 canards sont massacrés à titre préventif – peut-être jusqu’à 1,3 millions si la situation n’est pas maîtrisée. Les oiseaux concernés sont des palmipèdes « en parcours », c’est-à-dire à l’air libre avant l’enfermement et le gavage. Ils auront au moins échappé à ce supplice.
L’acharnement à produire du foie gras
La finalité de ces mesures est de permettre à la filière du foie gras de redémarrer. Côté budget, 12 millions d’euros d’indemnisation début 2016 sont octroyés aux éleveurs concernés – en plus des 130 millions d’euros offerts à la filière foie gras en janvier 2016, indépendamment de toute épidémie. Et, rentabilité oblige, les canards du Sud-Ouest seront réduits en farines et graisses, utilisés comme combustibles.
Mais si ces mesures ne suffisent toujours pas ? En Russie, au Japon, les oiseaux de certains zoos - perroquets, cygnes ou canaris – sont aussi tués. Afin de continuer à produire du foie gras ou du poulet, exterminera-t-on un jour les oiseaux sauvages, susceptibles de transmettre la maladie à leurs cousins captifs (2) ? Pour l’heure, la chasse aux oiseaux est restreinte ou interdite, ce qui a d’ailleurs fait écrire à certains journalistes que les chasseurs sont « pénalisés » - pénalisés de ne pouvoir verser encore plus de sang ?
Source : OIE
D’autres victimes collatérales de l’élevage
N’en aurons-nous donc jamais assez ? À partir de combien de millions d’oiseaux massacrés, gazés ou broyés, remettrons-nous en question l’élevage et la consommation de la chair des animaux ? Les élevages aux animaux entassés par milliers, voire centaines de milliers pour les poules et les poulets, constituent des lieux parfaits pour le développement des pathologies.
Aujourd’hui, canards, poules, poulets, dindes et cailles paient très cher le fait d’être atteints – ou susceptibles d’être atteints – de la grippe aviaire, mais aucun animal élevé pour sa chair, son lait, ses œufs ou sa peau n’échappe au massacre. Ces millions d’oiseaux « détruits » ne constituent hélas qu’une infime partie de tous ceux qui, jour et nuit, finissent dans les abattoirs. En France, chaque jour, 3 millions d’animaux y sont en effet ordinairement tués – sans même compter les animaux aquatiques.
Et des milliers périssent asphyxiés ou brûlés vifs : par exemple en 2016, pas moins de 150 incendies se sont déclarés dans des élevages (3) – et combien d’incendies n’ont sans doute même jamais été relevés par les médias ? Quantité d’animaux périssent aussi sur les routes lorsque des camions chargés à bloc, en route pour les abattoirs, se renversent ; d'autres meurent de faim, de froid ou de sévices lorsque des éleveurs les abandonnent ou les maltraitent. Et - ne les oublions pas - chaque année en France, 50 millions de poussins sont broyés vifs par l’industrie des poules pondeuses.
Confinements, massacres, sélections : et si la solution était tout autre ?
L’exploitation des animaux, l’élevage, et tout ce qui en découle, n’existent que pour répondre à notre demande. Chaque année, nous faisons naître des millions d’animaux dans le seul but de les engraisser pour les tuer et les découper en morceaux. En optant pour une alimentation végétale, en tournant le dos à la viande, nous cessons d’alimenter un système basé sur la mort et l’exploitation des animaux. Chacun d’entre nous a le pouvoir d’agir maintenant pour un monde meilleur, un monde en paix avec les animaux. Alors, pourquoi attendre ?
Photo : Bastien Milanese
(1) Ils sont plus d’un million à avoir été tués au Japon et autant en Iran, 26 millions en Corée du Sud. Et combien de millions d’oiseaux tués en Russie, en Inde, en Chine, ou tout autre pays dont les chiffres n’ont pas encore été relevés ? À titre d’exemple, ce ne sont pas moins de 22 millions d’oiseaux qui avaient été éliminés en Chine lors d’un précédent épisode de grippe aviaire, en 2005.
(2) Le massacre des oiseaux sauvages a d'ailleurs commencé : comme l'indique un article de 20 Minutes, des milliers de tourterelles sont actuellement sacrifiées sur l'autel du foie gras.
(3) Deux incendies ont eu lieu au moment où ces lignes sont écrites : 600 cochons et 300 chèvres sont morts brûlés ou asphyxiés, enfermés dans les bâtiments d’élevage.
Principales sources :
"Grippe aviaire : 1,5 million de volailles abattues en Europe", Le Monde, 11 janvier 2017.
"Grippe aviaire. Tout savoir sur l'abattage massif qui touche le Sud-Ouest", Ouest France, 6 janvier 2017.
"Grippe aviaire : la campagne d’abattage de centaines de milliers de canards a démarré", Le Monde, 4 janvier 2017.
"Grippe aviaire: près de 150 oiseaux abattus, les chasseurs pénalisés", Nord Littoral, 30 novembre 2016.