Terrifiées, elles s’échappent d’un abattoir
- Article du Vendredi 14 avril 2017
C'est sous ce titre évocateur que cet article retrace la résistance de six bovins (5 vaches et un jeune mâle) face à la mort : les animaux, terrifiés, ont réussi à déjouer la surveillance d’un abattoir - lieu dont aucun animal n’est censé ressortir vivant. Après s’être échappés par une porte non “sécurisée”, ils ont erré plusieurs heures dans le centre ville de Saint-Louis (Missouri, États-Unis), avant d’être finalement capturés par la police.
La résistance des animaux
Cet article nous plonge au cœur de la résistance animale, une thématique rarement évoquée et qui, lorsqu’elle l’est, dévalorise ou tourne généralement en ridicule les initiatives des animaux. Ainsi, exemples parmi tant d’autres, une génisse qui a tenté de s’échapper d’un marché aux bestiaux “voulait faire une fugue”, une vingtaine de veaux qui s’enfuient ensemble “prennent la poudre d’escampette”, une antilope qui s’est échappée de sa prison dans un zoo s’est “baladée”.
L’immense majorité des évasions d’animaux, réussies ou non, sont probablement passées sous silence. Lorsqu’elles sont rapportées, elles sont présentées comme des cas insolites. Pourtant, les animaux résistent de toutes leurs forces aux diverses formes de contrainte auxquelles les humains les soumettent, d’autant plus que c’est souvent pour eux une question de vie ou de mort. En juin 2016, un bœuf qui avait réussi à s’enfuir d’un abattoir a été tué par la police. En février 2017, c’est un taureau qui a réussi à s’évader d’un abattoir - il est mort d’une overdose de tranquillisants injectés lors de la course-poursuite qui s’en est suivie. En septembre 2016, au zoo de Leipzig, un lion a été tué pour s’être échappé.
Ces évasions, à nos yeux souvent spectaculaires, sont autant d’actes de résistance active rendus possibles par une combinaison de différents éléments comme la chance (une porte non verrouillée) et la force physique (pourvoir courir vite, avoir une carrure impressionnante). Une truie de réforme qui a passé plus de la moitié de sa vie dans une cage minuscule ne peut s’enfuir en courant : elle peut à peine marcher. Ainsi, la personnalité ou la volonté des animaux n’est pas forcément le facteur déterminant, des animaux très déterminés à résister - et ils sont sans doute très nombreux - pouvant n’avoir absolument aucune chance de lutter.
Bovin à l'abattoir de Mauléon (2016)
La résistance des animaux utilisés à des fins alimentaires en élevage est d’autant plus admirable qu’au cours de la domestication, ils ont été sélectionnés pour leur docilité. Ils essaient pourtant de résister, mais leurs moyens sont faibles et les résistances vite maîtrisées. En élevage, les murs, cages, chaînes et fils électrifiés contiennent les animaux. La coupe des cornes des bovins, des becs des poules pondeuses, des queues et des dents pour les porcelets, la castration et bien d’autres mutilations systématiques sont d’autres moyens qui utilisent la force pour contraindre des animaux à vivre dans des espaces réduits et hostiles et à briser leur résistance - une vache écornée se défend nettement moins efficacement. Les bâtons, les aiguillons électriques, les coups et les cris sont d’utilisation commune pour faire entrer les animaux dans les bétaillères et les conduire à l’abattoir.
Beaucoup d’animaux n’ont pas la chance ou la force de pouvoir s’enfuir, mais ils résistent avec les moyens dont ils disposent. Ils refusent d’avancer, de bouger, se débattent, crient… Les enquêtes de L214 ont ainsi montré quantité d’animaux - chevaux, vaches, moutons, cochons - luttant désespérément contre la mort dans les abattoirs. Des animaux plus petits, comme les poules, les lapins ou les canards, résistent aussi comme ils peuvent, mais ils sont évidemment rapidement et facilement brisés.
Cheval cherchant à fuir, abattoir de Pézenas (2016)
Sauver les fugitifs
Seule une poignée d’animaux parviennent à s’échapper, et beaucoup paient leur résistance de leur vie.
Certains réussissent à s’enfuir loin des humains et à s’adapter à un nouvel environnement. Ils apprennent par exemple à vivre en forêt, comme ces vaches “sauvages”, qui sont cependant régulièrement la cible d’une sanglante répression. Ou bien on ignore ce qu’ils deviennent, tel ce cochon qui a bravement sauté du camion en route vers l'abattoir.
D’autres sont pris en charge par des refuges, véritables havres de paix où ils sont protégés et peuvent enfin s’épanouir. Mais, de plus en plus, éleveurs et abattoirs profitent de la compassion des sauveteurs : en juillet 2015, un éleveur réclamait 10 000 € pour le rachat d’une vache échappée d’un abattoir, et ce n’est pas moins de 1800 $ (1650 €), soit plus que le montant du marché, que l’abattoir a exigé pour le rachat de chacun des 6 bovins qui ont pris la fuite à Saint-Louis. Généralement, des cagnottes sont mises en place pour le rachat des animaux, mais donner tant d’argent à un abattoir ou à un éleveur pose évidemment des questions éthiques auxquelles il n’est pas simple de répondre.
Mais aussi importants soient-ils, les quelques animaux sauvés ne constituent qu’une infime minorité de ceux destinés à mourir dans les abattoirs - 3 millions d’animaux terrestres par jour en France. Pourtant, les animaux sont des habitants de la Terre au même titre que nous. Apprenons à vivre en bonne intelligence avec eux ! Et n’oublions pas qu’on peut tous sauver des animaux en végétalisant notre alimentation dès maintenant - et épargner ainsi à des dizaines, voire des centaines d’animaux d’une mort certaine.
Veau sauvé à Poplar Spring Animal Sanctuary (photo : Mark Peters)
En savoir plus sur la résistance des animaux :
“Comment les animaux résistent ?” Conférence donnée le 10 mars 2016 à Vegan Folie’s.