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Histoire d'un sauvetage

  • Article du Vendredi 7 août 2015

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Le refuge pour cochons GroinGroin et L214 ont mené une opération de sauvetage dans un élevage porcin le mardi 4 août 2015. La truie à sauver avait une patte cassée. Dans les élevages porcins, un accident de ce type est synonyme de “réforme”, un euphémisme pour parler d’abattage ou de mise à mort. Pourtant, la porchère refusait l’idée de la charger dans cet état dans un camion pour l’abattoir. En effet, les truies sont généralement transportées sans ménagement et sont bien souvent incapables de sortir par elles mêmes du camion : conduites sous les coups ou à l'aiguillon, voire soulevées au chariot élévateur, leur fin de vie est d’une violence sans nom.

8h30. Nous voilà aux portes de l’élevage : deux bâtiments préfabriqués installés en pleine campagne. Émilie, une jeune femme, porchère depuis 2 ans, nous accueille. Nous nous enfonçons dans le premier bâtiment qui ressemble à un immense bungalow délabré. 1513, 1514, 1515, des dizaines de truies sont alignées les unes à côté des autres, sans pouvoir bouger, se retourner, ne pouvant rien faire, juste sentir le poids de leur corps sur le sol bétonné.

Malgré la misère animale qui règne dans ce hangar, Émilie caresse l'une de de ses truies : « Je fais ce métier car au moins avec moi elles seront bien traitées, mon prédécesseur les frappait, ça m’était insupportable. »
Elle s’arrête devant une autre truie : « La voilà ». Devant nous, un corps allongé, coincé entre des barreaux.

 

On s’avance, on croise un regard doux et inquiet, c’est elle. C’est toi, ma belle qui ne finira pas dans un sandwich.
« Est-ce possible de sauver aussi un de ses porcelets ? » lance l’un d’entre nous, « Oui, même deux » répond Émilie. Nos cinq regards se croisent, la décision est prise. Une montagne de paille les attend dans le van, ils sont sauvés.
Harnais, sangles, couverture, la truie est debout sur trois de ses pattes malgré ses 160 kg, guidée par l’équipe pour atteindre l’extérieur. À la sortie de l’élevage, elle s’arrête net. Ses yeux s’ouvrent en grand, son groin sent la paille, elle repart de plus belle. Elle grimpe dans le camion sur son matelas de paille, son regard apaisé inspire la paix.
Mais l’état de sa patte rappelle la violence de sa vie, son jarret est énorme, l’abcès est monstrueux.
bérénice riauxÉmilie nous propose d’emmener deux autres porcelets chétifs, elle refuse de les tuer en les "claquant" contre un mur, pratique très courante dans ce type d’élevage, où les faibles n’ont pas leur place. Elle avait prévu de les nourrir individuellement et de les remettre dans le circuit : engraissement, transport, saignée, assiette. À présent un autre avenir les attend : ils rejoignent leur famille dans le camion, deux autres porcelets sont sauvés !

10h30 - En route pour quelques heures avant d’arriver à la clinique vétérinaire afin d'examiner la truie. On en profite pour leur trouver des noms : les quatre petits cochons s'appelleront Coquelicot, Violette, Lavande et Capucine et leur maman, Fleur.

Trois vétérinaires habitués du refuge auscultent Fleur. Après avoir pris des radios, ils nous expliquent : « Toute l'articulation du jarret est en train de se faire digérer par les bactéries, il y a un germe qui est entré et qui a attaqué les os, toute la capsule articulaire est atteinte, il n'y a rien à faire, il est impossible d'appareiller une truie qui pèsera 300 kg à l'âge adulte. Si ça avait été un pied, il y aurait peut-être eu un petit espoir, là il n'y en a pas ».

Les radios sont envoyées à Servane, vétérinaire et cofondatrice du refuge GroinGroin : même verdict.

Un coup de masse nous tombe dessus, nos estomacs se serrent, les larmes montent. Son dernier souffle sera auprès de ses petits, dans la paille, un rayon de soleil sur son corps si grand et si fort. Fleur, on ne peut pas te soigner, te voir t’éteindre aux portes de ta nouvelle vie nous accable. Être impuissant est le pire des sentiments.

Fleur a été enfermée toute sa vie. Elle est morte en découvrant qu’un autre monde existe, et ses petits pourront en profiter.

16h - Coquelicot, Violette, Lavande, Capucine ont été accueillis avec beaucoup d'émotion et de joie au paradis sur terre pour cochons : le refuge GroinGroin.
Grosse pensée pour toi, Fleur, et longue vie à tes quatre petits cochons.