Bannière Libérer le paysage de l’exploitation animale. Un cas pratique

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Si le monde devenait végane, qu’adviendrait-il des bocages, prairies et paysages champêtres façonnés par l’élevage ? Diplômée en architecture du paysage, Alix Gancille montre dans son mémoire de fin d’études, réalisé à l’échelle du territoire de la Thiérache (Belgique), qu’une agriculture végétale est à même de préserver des paysages ouverts et riches en biodiversité, ainsi que de larges espaces dédiés à la vie sauvage.

En 2006, le rapport de la FAO L’Ombre portée de l’élevage1 lançait un pavé dans la mare en accablant le secteur de l’élevage pour son impact écologique particulièrement élevé. En révélant le coût de l’élevage en émissions de gaz à effet de serre, en eau et en surfaces agricoles, ce rapport est à l’origine d’une vaste prise de conscience populaire et scientifique sur l’impact écologique de l’élevage.

Pour autant, devrions-nous arrêter la viande ? Si de nombreuses études concluent qu’une forte diminution voire un arrêt de la production et de la consommation de viande devraient faire partie des stratégies à encourager pour garantir un avenir soutenable, la question crispe. Parmi les objections courantes à un avenir végane, la question de la préservation des paysages est souvent mise en avant. Faudra-t-il dire adieu aux paysages ouverts, aux prairies qui constituent une grande partie de nos territoires ? Qu’adviendra t-il des paysages bucoliques auxquels nous tenons, et que deviendront les animaux qui les façonnent ?

Le projet Thiérache végane 20502 explore ce frein et se demande à quoi pourrait ressembler ce petit territoire rural de Belgique – massivement orienté vers et marqué par l’élevage – dans la perspective d’un futur végane.

Découvrir le mémoire Thiérache végane 2050

 

Figure 1. Schéma d'organisation du paysage rural de la Thiérache dominé par les prairies
 

Que deviendraient les paysages dans la perspective d’un futur végane ?

Premièrement, des prairies, des terres agricoles destinées aux cultures fourragères et des bâtiments agricoles seraient libérés et pourraient se voir attribuer de nouvelles affectations. Deuxièmement, un grand nombre d’animaux de rente seraient délivrés de l’exploitation. 

Mais que deviendrait notre relation avec les animaux si nous faisions cesser toute exploitation ? Cette question conduit à s’interroger plus profondément sur la manière dont les humains habitent la planète, sur la place dominante qu’ils occupent, et sur les rapports qu’ils entretiennent avec les autres vivants. Pourrions-nous penser des paysages qui ne soient pas strictement aux bénéfices des humains ? Et si, finalement, la prise en compte des intérêts des animaux devenait une clé d’organisation du paysage ?

Si cette question n’a pas encore été pensée pour le paysage, elle a déjà été pensée comme clé d’organisation du politique. L’ouvrage Zoopolis3, sous-titré « une théorie politique des droits des animaux », ouvre de nouvelles perspectives. 

Partant du présupposé́ d’une société où nous aurions aboli l’exploitation animale et où nous respecterions leurs droits, les auteurs se demandent comment nous vivrions avec les autres animaux. Pour faciliter cette réflexion, ils rassemblent les animaux en trois catégories : domestiques (animaux familiers et d’élevage), liminaires (animaux sauvages dont le territoire recouvre le nôtre) et sauvages, et proposent pour chacune des droits et des devoirs spécifiques. L’étude Thiérache végane 2050 propose d’utiliser ces nouveaux droits comme repères théoriques pour construire le projet de paysage.

Quels scénarios pour demain ?

Un premier scénario de transition consisterait à transformer les prairies en cultures, en conservant une mosaïque de prairies riches en biodiversité. Les territoires pourraient alors conserver leur vocation agricole et nourrir un grand nombre de citoyens. En effet, une alimentation végane requiert en moyenne quatre fois moins de terres que le régime omnivore actuel. Cependant, certains sols peuvent s’avérer incultivables et n’être valorisables que par l’élevage. Dans certaines régions, la qualité du sol est ainsi un facteur limitant et doit être prise en compte en premier dans l’aménagement.

Puisque la Wallonie dispose de sols agricoles bien plus productifs ailleurs, un deuxième scénario suggère de transformer les paysages incultivables en réserve animalière, incluant des refuges pour les anciens animaux de rente et de larges espaces dédiés à la vie sauvage. La population vivrait alors majoritairement du tourisme, ainsi que de subventions de l’État. En Wallonie, le coût environnemental de l’élevage est estimé à 898 millions d’euros par an4. Ainsi, ces dépenses, qui soutiennent aujourd’hui l’élevage et traitent ses effets négatifs, pourraient demain servir à préserver la vie sauvage et à maintenir des emplois en milieu rural.

Enfin, le scénario hybride retenu dans l’étude tire mieux parti du potentiel du territoire. Les terres productives y sont réservées aux cultures, et les prairies riches en biodiversité sont converties en refuges pour les anciens animaux de rente, pour qui le retour à l’autonomie peut prendre plusieurs générations. Les abords des zones d’eau sont laissés en libre évolution et offrent – en plus de limiter les inondations et de filtrer les polluants – des couloirs continus à la biodiversité. Enfin, les zones les plus éloignées des villages sont réservées à la vie sauvage. Ces territoires sont laissés en libre évolution et sont délimités par des bornes frontières qui avertissent les humains de leur passage en territoire animal souverain, les contraignant à certaines règles d’usage et d’occupation (rester sur les sentiers balisés, ne pas stimuler les animaux, par exemple…).

Figure 2. Bande dessinée extraite du dossier Thiérache végane 2050

Un autre monde est possible

L’empreinte de l’élevage et de l’alimentation dans l’histoire de notre société est indéniable. Sans pour autant militer pour un monde totalement végane, de nombreux acteurs politiques et institutionnels soutiennent aujourd’hui la nécessité d’une réduction draconienne de la consommation de viande. Cette réduction s’avère incontournable si nous considérons l’impact écologique de l’élevage. L’agriculture du XXIe siècle ne sera soutenable qu’au prix de changements drastiques dans notre alimentation.

Si cette solution est de plus en plus acceptée, elle rebute encore un grand nombre de personnes ne souhaitant ni transformer leurs habitudes, ni voir leurs paysages changer. Le rapport Thiérache végane 2050 déconstruit certains mythes (le paysage végane serait un paysage fermé et sans animaux, porter de l’intérêt aux animaux signifierait mettre de côté les intérêts humains...) et espère, par sa forme ludique, faire avancer la réflexion.

À nous, citoyens, de faire émerger de nouvelles modalités collectives dans la façon d’habiter le territoire, et de valoriser une pluralité de coexistences, entre les humains et les non-humains, plus justes et attentives à chacun.

Alix Gancille


1. Steinfeld, H. et al., 2006. L’Ombre portée de l’élevage : impacts environnementaux et options pour leur atténuation, FAO, Rome, 390 p.
2. Gancille A., 2020. Thiérache végane 2050, mémoire de master en architecture du paysage sous la direction de Hugues Sirault (Haute École Charlemagne, Gembloux), Thierry Kandjee (Université libre de Bruxelles), Grégory Mahy (Université de Liège).
3. Donaldson S., Kymlicka, W., 2011. Zoopolis. Une théorie politique des droits des animaux, Alma, 408 p.
4. Znaor, D. et al., 2017. Les Conséquences environnementales et économiques d’une conversion de l’agriculture wallonne vers un modèle à faible apport d’intrants.

 

 

 

 


Bannière Solidarité animale. Défaire la société spéciste

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Antispécisme, spécisme, sentience… Que peuvent bien signifier ces mots ? S’ils sont peu connus ou incompris du grand public, et parfois même des militants animalistes, ils méritent pourtant de l’être puisqu’ils sont la base théorique du mouvement antispéciste, mouvement dont on entend de plus en plus parler.

Axelle Playoust-Braure, corédactrice en chef de L'Amorce, revue en ligne contre le spécisme, et Yves Bonnardel, militant animaliste et auteur de nombreux textes sur la question animale, réalisent avec Solidarité animale ce travail nécessaire de clarification et de synthèse des idées de l’antispécisme. Présentation d’un livre à lire de toute urgence !

L’antispécisme : une lutte contre la souffrance animale

Solidarité animale commence par rappeler, de manière très compréhensible, qu’abolir toutes les formes d’exploitation animale, loin d’être une sensiblerie ridicule, est bel et bien un objectif éthique visant à mettre fin aux souffrances inutiles endurées par plus de 1 000 milliards d’animaux chaque année.

En effet, l'antispécisme affirme que d’un point de vue moral, nous devons considérer de manière égale les intérêts de tous les animaux, humains et non-humains. 

La raison en est simple : les animaux non humains sont, comme nous, capables de ressentir des émotions et des sensations, agréables et désagréables. Cette faculté, appelée la « sentience », fait que les animaux accordent de l’importance à ce qui leur arrive et ont donc des intérêts à défendre. Eh oui, les poules aussi veulent avoir une belle vie !

Les obstacles au progrès : l’humain comme mesure de toute chose

Mais quelles sont les résistances qui empêchent la société d’évoluer vers une réelle prise en considération des intérêts des autres animaux ? Voilà une question essentielle à laquelle répondent de manière très détaillée les auteurs de cet ouvrage.

L’obstacle fondamental est le spécisme, idéologie qui postule une hiérarchie entre les espèces, et spécifiquement une supériorité de l’espèce humaine sur les autres animaux. A. Playoust-Braure et Y. Bonnardel expliquent que cet anthropocentrisme, autrement appelé humanisme, imprègne toute notre société et a des effets très concrets sur l’organisation de nos rapports avec les animaux.

Les auteurs le montrent d’ailleurs très bien dans un chapitre intitulé « Le spécisme en acte : l’exploitation animale » : sélection génétique, mutilations, conditions de vie atroces, abattage de masse… Voilà la réalité de milliards d’animaux, réalité que tout un chacun estimerait, heureusement, intolérable pour un humain. 

Un mouvement collectif et politique

Mais alors, comment dépasser cette idéologie qu’est le spécisme ? La solution, pour les auteurs, est de donner un caractère politique à l’antispécisme, c’est-à-dire faire de la question animale une véritable question sociale, à même de provoquer des débats dans l’espace public et de donner lieu à des mouvements collectifs. 

En effet, si encourager les personnes à cesser de consommer des produits d’origine animale est important, cela doit être, selon eux, accompagné de revendications visant à modifier les lois et les institutions, comme celle de fermer les abattoirs1 par exemple, afin d’avoir le plus d’impact possible pour les animaux. 

Solidarité animale est ainsi un livre qui permet de bien avoir à l’esprit les raisons d’être et les buts d’un mouvement qui cherche, au fond, à « nous remettre les pieds sur terre, réestimer ce que nous sommes, ce que nous vivons, et considérer enfin comme valeurs fondamentales le plaisir, le bonheur et la satisfaction des intérêts des individus. »

 

Solidarité animale, Axelle Playoust-Braure & Yves Bonnardel, La Découverte, 2020.

 

 

 1. Sur ce sujet, vous pouvez consulter notre brochure Fermer les abattoirs disponible ici.

 


Bannière En France, des chiens élevés pour des laboratoires d’expérimentation animale

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En Auvergne, un immense élevage fournit entre 1 000 et 2 000 Beagles chaque année à des laboratoires d’expérimentation animale à travers le monde.

À Gannat, dans l’Allier, il existe un site inaccessible au public, entouré de grillages, de fils barbelés, muni de systèmes de vidéosurveillance et d’alarme. Une prison haute sécurité ? Un complexe militaire ? Non.

 

 

Quand on arrive à y glisser un œil, à obtenir quelques images, on peut y voir des alignements de dizaines de petits enclos nus avec des courettes en béton où sont enfermés des Beagles, ces chiens reconnus pour leur caractère doux et affectueux : ils seront vendus comme « matériel de laboratoire ».

Leurs mères ne sont pas loin : un peu à l’écart des enclos, un bâtiment totalement fermé détient des chiennes qui produisent à la chaîne ces chiots destinés à des expériences diverses et variées dans des laboratoires du monde entier.

Ce site appartient au grand groupe Marshall BioResources qui fournit des animaux aux labos d'expérimentation animale.

D’après les chiffres officiels de 2018, en France, 2 millions d’animaux sont utilisés en laboratoire. Des rongeurs, des poissons, des reptiles, des macaques, des ouistitis, des chiens, des chats, des chevaux subissent des expérimentations plus ou moins invasives, plus ou moins douloureuses, plus ou moins mortelles. Pourtant, il existe des alternatives à l'expérimentation animale.

Une des mesures du référendum pour les animaux, que nous portons avec de nombreuses personnalités et ONG, est l’interdiction des expérimentations sur les animaux lorsque des alternatives existent.

Vous pouvez vous joindre à cette initiative en vous inscrivant sur le site du référendum pour les animaux.

Vous pouvez également encourager les parlementaires de votre région (députés et sénateurs) à soutenir ce référendum, en les invitant à nous contacter pour y participer. La liste des premiers soutiens est disponible sur le site du référendum, n’hésitez pas à les féliciter et à inciter les non-signataires à les suivre ! Merci de votre aide !


Il existe également un élevage de ce type à Mézilles en Bourgogne : One Voice et le CCE2A organisent une manifestation le 5 septembre, place de l’Arquebuse à Auxerre.


En savoir plus sur l’expérimentation animale et/ou ses alternatives :
Pro Anima
Antidote Europe
Animal Testing
One Voice