Le Gibet et la gibelotte - droit de réponse

  • Article du Jeudi 9 octobre 2008

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Madame, Monsieur,

En tant que président de l'association de protection animale L214*, je sollicite un droit de réponse suite à l'article intitulé "Le gibet et la gibelotte" publié dans votre édition du 4 octobre en page 14. Cet article vise explicitement notre association et plus particulièrement la campagne que nous menons contre l'élevage intensif des lapins.

- Les procédés rhétoriques utilisés pour discréditer notre travail sont absolument manipulateurs et déloyaux.

L'auteur de l'article tente de ridiculiser le mouvement pour le droit des animaux : "sous la pression d'un Front de libération des Clapiers"... "l'étape suivante sera l'ALL (Armée de libération des légumes)".
L'auteur croit savoir que notre travail prend ses sources dans le mouvement anglo-saxon. Ah tiens, voilà une ficelle, "en provenance de pays auxquels on doit la junk food, les sodas, l'ersatz de chocolat, l'obésité, la pasteurisation obligatoire, la vache folle et le binge drinking".
Marabout, bout de ficelle..., ce procédé est malhonnête, il dévoile l'intention première de l'auteur qui est de salir l'image de ceux qui ont eu probablement le malheur d'insuffler un sentiment de culpabilité au bout de sa fourchette. L'article ne contient aucun argument qui puisse justifier qu'il est absurde, voire fasciste de se soucier du sort des animaux d'élevage.

- L'auteur de l'article nous assimile à "des dictateurs... qui "dictent" ce qu'il faut manger au nom de préceptes religieux, moralisateurs ou hygiénistes." 

L214 est une association qui n'est ni religieuse ni hygiéniste, rien à répondre à ce sujet. Nous n'avons aucun mandat politique, aucune armée, ni croisé, ni moudjahidine, aucun pouvoir d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit... Par contre, nous avons effectivement l'ambition de questionner l'éthique et plus particulièrement les relations que notre société entretient avec les animaux d'élevage. La viande servie dans les assiettes, c'est de la chair, la chair d'un animal sensible qui la plupart du temps a vécu une vie misérable enfermé dans un bâtiment d'élevage intensif. En tant que consommateur citoyen, nous avons le pouvoir de refuser de manger le produit de la souffrance. Manger est un acte politique, ce n'est pas simplement une histoire de goût et de couleur.
Nous ne nous amusons pas à enquêter sur la filière cunicole française et nous ne montrons pas des images d'élevage intensif pour le plaisir de troubler la tranquillité de la viande. Nous informons et nous argumentons. Il se trouve qu'aujourd'hui en France, un éleveur de lapins professionnel est à 99% des cas à la tête d'un élevage intensif où sont entassés quelques 6000 lapins. Les animaux sont enfermés dans des cages sur un sol grillagé, source d'inconfort permanent et de blessures aux pattes. Chaque lapin dispose de la surface d'une feuille de papier A4 durant sa vie entière. Les cages sont dépourvues de tout aménagement. Il est impossible aux lapins de se dresser, bondir, fouiner, se cacher... Les femelles reproductrices vivent isolées les unes des autres et sont inséminées 10 jours après chaque mise bas. Elles souffrent de lésions aux pattes et de déformation du squelette. Environ un tiers des mères meurent chaque année dans l'élevage. Les lapereaux les plus petits, malades et ceux en surnombre sont assommés sur le bord de la caisse où ils agoniseront au milieu des morts-nés, pas de chance, de telles pratiques ont pu être filmées dans un centre de sélection censé être à la pointe de la zootechnie cunicole. La nourriture des lapins est supplémentée en vitamines, minéraux, antibiotiques et autres médicaments. Pourtant, un quart des lapins meurent avant d'atteindre l'âge où ils sont abattus. C'est pour cette raison et bien d'autres encore que nous informons les consommateurs pour qu'ils puissent décider en leur âme et conscience de continuer ou non à manger de la viande de lapins provenant de ces élevages.

Pour conclure, je vais me contenter de reprendre les propos de Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, juriste et philosophe :
"La véritable question est celle du débat public, de la discussion qui n'a pas lieu dans une France muselée par les intérêts de quelques-uns et qui accepte sans broncher les sophismes de ceux qui pensent avec leur ventre." (sa chronique dans L'Express du 15 décembre 2005).

Recevez, Madame, Monsieur, mes cordiales salutations.

Antoine Comiti, président de l'association L214

Notre dossier sur l'élevage cunicole

* Le nom de l'association est tiré d'un article du code rural, l'article L214 qui reconnaît le caractère sensible des animaux, c'est à dire leur capacité à ressentir le plaisir et la souffrance.