Bannière Un séjour en France. Chronique d’une immersion.

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Dans ce livre Un séjour en France, Bérangère Lepetit, journaliste, rapporte son vécu après avoir travaillé quatre semaines à l’abattoir Doux, à la section du conditionnement des poulets. À aucun moment, elle ne parle de la façon dont les animaux sont tués, ni élevés. De toutes façons, elle n’a rien vu du massacre, puisque les bâtiments sont séparés et, à moins d’y travailler, on n’entre pas dans la section d’abattage, car « il est malvenu de poser des questions, de s’aventurer dans le reste des bâtiments ». Ensuite, ce n’est pas sa préoccupation, même si elle s’interroge : « Chaque jour, chaque nuit, les cinq cent mille poulets qui passent entre nos mains sont ensuite congelés, et les cartons chargés dans des poids lourds qui prennent la route du port de Brest. Et avant, comment se passe l’électrocution ? Et ensuite, où vont-ils précisément ? »

Elle finit par apprendre que ces poulets fournissent les étals en Arabie saoudite et en Afrique, rien de plus. Une recherche sur Internet me confirme que ces poulets sont étourdis par un bain électrifié avant d’être tués par décapitation et qu’ils sont en effet destinés à l’exportation.

couverture du llivre Un séjour en France.Entre deux mondes

C’est pour son journal Le Parisien que Bérangère Lepetit a plongé dans le monde de l’abattoir Doux. Son objectif était d’en savoir plus sur la vie à l’usine : elle a donc vécu avec ses tripes le quotidien d’un de ses employés. Elle a découvert « une planète à part », marquée par la mixité culturelle, linguistique et religieuse : 27 nationalités y sont représentées à travers 650 employés, essentiellement des femmes.

Pour gagner leur confiance, et surtout pour ne pas créer de distance sociale, elle n’a jamais révélé son vrai métier, et s’est trouvée ainsi psychologiquement écartelée entre son rôle d’ouvrière et sa profession de journaliste. En plus, le premier jour de son arrivée à l’usine a eu lieu la tuerie de Charlie, et la voici loin de son journal parisien, ouvrière à la chaîne  dans une usine en Bretagne. Le jour de l’attentat, elle travaillait dans l’usine de charcuterie Monique Ranou, où elle a passé deux jours avant d’aller chez Doux. Deux journées terribles, où, écœurée par les odeurs et pétrifiée par le froid (4°C), l’immobilité et l’ennui, elle s’est sentie devenir une machine. Chez Doux, la température est meilleure : il fait 7°C. Et le poulet mort ne sent pas grand-chose à 7°C.

Le corps est là, douloureux, mais l’esprit est ailleurs.

À l’usine Doux, le travail commence avec le pointage et est réglé toute la journée à la minute près. Pendant la journée, beaucoup préfèrent ne pas savoir l’heure – ce temps figé, « mortellement long ». Les montres sont d’ailleurs interdites pour des raisons de sécurité, et aucune horloge n’est accrochée aux murs. Les bruits permanents, intenses, métalliques, stridents ou graves, finissent par rendre sourd malgré les protège-oreilles et interdisent toute conversation. Bérangère Lepetit travaille « aux cartons » : elle place des poulets emmaillotés dans du film bleu blanc rouge dans des cartons. Sa seule initiative consiste à choisir la taille du carton selon le poids des poulets qui arrivent : 1,6 kg ou 650 g. La torpeur et l’hébétude ont vite raison d’elle, mais elle est stupéfaite de la résistance et de la rapidité des autres employés, rodés au travail, tandis qu’elle peine à suivre la cadence. Elle a le sentiment que tous sont « des paires de bras qui fonctionnent sans vraiment savoir pourquoi, sans vraiment savoir pour qui, dans le grand cercle vicieux de l’indifférence et de l’ennui généralisé ». Le corps s’habitue aux gestes cent mille fois répétés, ou du moins donne l’impression de s’habituer : tendinites et prises de comprimés antidouleur sont le lot quotidien de nombreux employés. D’autres tiennent grâce à l’alcool. La médecine du travail, totalement débordée, a depuis longtemps déclaré forfait.

Le bâton et la carotte

L’auteure s’intègre facilement, se rendant compte que c’est notamment dû au fait qu’elle est française – celles et ceux qui parlent mal français, incapables de communiquer verbalement, vivent sur la défensive et sont victimes d’ostracisme. Elle découvre des copinages, des jalousies, des clans.

Comme les autres, elle connaît l’affreux accablement du lundi et l’insoutenable impatience du vendredi. Et pourtant, dans cette usine qui embauche à tour de bras en CDD et en intérim, le CDI est vu comme un graal. Quand on a des bouches à nourrir et des traites à payer, Doux « ce n’est pas la panacée mais c’est de l’argent ». La peur du chômage, les plans sociaux, restructurations, débauches et embauches font frémir les ouvriers. L’arrivée de nouvelles machines pour remplacer les bras fait peur aussi : comment rivaliser avec ces « masterpacks » capables d’emballer 7000 poulets à l’heure, sans tendinite ni ralentissement ?

Ces ouvriers payés au SMIC tendent tous vers le même objectif : gagner des « pépettes », toujours plus de « pépettes ». On aspire à la médaille du travail pour toucher la prime qui va avec. On espère aussi gagner du galon, quitte à faire un peu de délation, et pouvoir ainsi, de temps en temps, quelques heures par jour, changer de service, c’est-à-dire changer de gestes. À certains postes, on est même assis. En plus des règles d’hygiène draconiennes (pas de parfum, pas de maquillage, pas de vernis à ongle, pas de faux-ongles, pas de bijoux, etc.), les employés n’ont pas le droit d’avoir d’objets « à usage non professionnel » à leur poste de travail, donc pas de portable, pas d’encas, pas de bonbon. Beaucoup détournent les règles et ne boutonnent pas leur blouse jusqu’au col, mâchent du chewing-gum, téléphonent aux toilettes, se passent des bonbons à la menthe. Autant de minuscules entorses au règlement qui donnent à l’auteure l’impression d’être une rebelle dans cet univers rétréci, où les conversations tournent autour des ragots, des comprimés antidouleur, du prix des boissons au distributeur et des mini-compotes du supermarché du coin.

Les employées ont quand même le droit d’aller aux toilettes (singulièrement puantes et sales) en dehors des pauses en cas « d’envie pressante », mais chaque sortie dérange plusieurs personnes et oblige à passer devant les bureaux vitrés des chefs situés à l’entrée d’ateliers, surnommés « la guillotine ». Bref, on se retient.

Ruiner sa vie à détruire des vies

Situé cœur de la Bretagne, Doux est entièrement spécialisé dans la production de poulet halal exporté à 100%.

25 000 poulets sont tués chaque heure dans cet abattoir qui tourne 24 h sur 24. 600 000 poulets par jour. 21 900 000 oiseaux par an. Des chiffres vertigineux à la mesure du plus grand abattoir de poulets de France.

photo d'une chaîne dans un abattoir de poulets

Le travail y est extrêmement pénible et ennuyeux, parfois dangereux. Les parents de la région menacent même leurs enfants indisciplinés de finir à Doux, version modernisée du bagne, s’ils ne sont pas sages.

Les conditions de travail sont probablement les mêmes dans tant d’autres usines agroalimentaires. Des milliers de personnes passent ainsi leurs journées, des années, une vie entière à tuer, découper ou emballer des animaux. L’impératif de « gagner sa vie » ne laisse pas la place aux questionnements éthiques, même si « chez Doux, les gens finissent par ne plus manger beaucoup de poulet. Une overdose de volaille les saisit quand ils rentrent chez eux le soir ». L’auteure dit manger moins de viande suite à cette expérience.

La division du travail dans les abattoirs, qui débuta aux États-Unis à partir du milieu du XIXe siècle, a ouvert la porte à la déresponsabilisation, l’ouvrier n’étant plus qu’un minuscule rouage d’une énorme machine que rien n’arrête. L’éleveur élève les poulets, le routier ne fait qu’apporter les animaux à l’abattoir, un autre tue les animaux qui de toutes façons sont là pour ça, des ouvriers découpent des corps déjà morts, d’autres les emballent, et le consommateur ne fait que les manger. C’est pourtant dans les abattoirs que le travail est le plus dur : le turn-over y est conséquent et l’alcoolisme fait des ravages, surtout chez ceux qui tiennent le poste de tueur.

Cette répartition du travail liée à la mécanisation permet aussi d’atteindre des taux de production gigantesques, à l’image des trois millions d’animaux terrestres tués chaque jour, en France. Dans cet univers démentiel où tout est ultra organisé, huilé, chronométré, les animaux ne sont que de la matière première, une chair à rentabilité, dont la vie n’a plus aucune valeur.

Titou, poulet rescapé de l'abattoir.
Titou, poulet rescapé.

Pour aller plus loin : Manuela Frésil, Entrée du personnel, Ad libitum, 2011. Documentaire.

Bérangère Lepetit, Un séjour en France. Chronique d'une immersion, Éditions Plein Jour, 2015.


Bannière Abattoir d'Alès : exemple ou exception ?

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En moins d’une semaine, les images de l’abattoir d’Alès dévoilées par L214 ont été vues près de 1 700 000 fois sur Facebook et Youtube. L’enquête, reprise par la grande majorité des médias nationaux, a suscité l’indignation de l’opinion publique. La pétition demandant la fermeture immédiate de l’abattoir a quant à elle réuni plus de 200 000 signatures en quelques jours.

Face à la polémique, Max Roustan, maire de la ville d’Alès, a ordonné la fermeture de l’abattoir « immédiate et à titre conservatoire ». Peu de temps après, le parquet  a ouvert une enquête pour « actes de cruauté » sur des animaux. De son côté, le responsable de l’abattoir d’Alès a porté plainte pour « atteinte à la vie privée par fixation ou transmission de l’image des personnes. »

Invité d’Europe 1 le vendredi 16 octobre, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a affirmé être « vigilant pour faire respecter les règles de bien-être animal dans tous les abattoirs » et « prôner une fermeté totale par rapport aux activités des abattoirs » Questionné sur la possibilité d’une enquête d’envergure nationale, Stéphane Le Foll a estimé suffisants les enquêtes continues et les contrôles réguliers des services vétérinaires.

Stéphane Le Foll tente l’enfumage. Plusieurs alertes ont en effet été lancées auparavant contre l’abattoir d’Alès, dont une mise en demeure administrative, notifiée par la DDPP pour pratiques professionnelles non conformes. En 2014, rappelle le journal Le Monde dans un article daté du 15/10/2015, sur les 263 abattoirs recensés en France, il y a eu 104 avertissements, 60 mises en demeure et (seulement ?) deux suspensions d’agrément. Preuve s’il en est que les incidents sont monnaie courante.

L’abattoir d’Alès serait-il alors une exception ? Présenté comme une entreprise de proximité, à taille humaine (une trentaine de salariés), avec un rythme d’abattage raisonné, pratiquant aussi la mise à mort d’animaux issus de filières biologique, cet abattoir a pourtant à première vue toutes les caractéristiques d’un établissement exemplaire.

Si ces images nous sont insoutenables, c’est qu’elles nous mettent face à une impitoyable réalité, que les politiques et le lobby de la viande préfèrent garder soigneusement cachée. Cette souffrance nous apparaît universelle. Elle abolit la différence entre les humains et les autres animaux, entre « la viande » et la chair d’un être sensible. Ce que nous voyons alors, c’est la douleur nue, la peur nue, la tentative désespérée de survie, et la barbarie engendrée par l’industrie de la viande et nos modes de consommation.

Nous continuerons de démontrer par nos enquêtes qu’on ne peut pas parler de « bien-être animal » dans un abattoir, quel qu’il soit.

L’abattoir d’Alès n’est qu’un triste exemple, la partie (rendue) visible de l’iceberg. Chaque année, dans les abattoirs de France, plus d’un milliard d’animaux sont mis à mort selon des techniques identiques.

Quand bien même un hypothétique abattoir appliquerait parfaitement les règles, le stress et la terreur des animaux conduits à la mort n’en resteraient pas moins réels. Il n’existe tout simplement pas de « viande propre » ni de tuerie respectueuse.

Nous ne saurions nous contenter de la fermeture temporaire d’un abattoir ni de vagues promesses de contrôles accrus. Nous pouvons désormais souhaiter que ces pratiques soient plus souvent dénoncées, que le contrôle des abattoirs soit renforcé, mais aussi que la question de la condition animale et des alternatives véganes puisse être portée au débat public.


Bannière L214 contre la réouverture de Marineland

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Lors des intempéries survenues le samedi 3 octobre dernier, les infrastructures de Marineland (classé depuis 2010 en zone rouge inondable), à Antibes, ont été gravement atteintes. Dans un premier communiqué, le directeur du parc, Bernard Gianpaolo, a confirmé que 90% des installations avaient été touchées, portant atteinte à la sécurité des animaux détenus. 

Cette avanie est un coup dur porté au groupe espagnol Parque Reunidos, propriétaire de Marineland, qui a investi 30 millions d’euros en 2014 pour le développement du site dans l’objectif d’augmenter la fréquentation du parc déjà visité chaque année par près de 1,3 million de visiteurs. Mais, dans cette véritable usine, ce sont les animaux qui paient le prix fort pour le divertissement des hommes.

Sans électricité, sans arrivée d’eau, les systèmes de chauffage, d’oxygénation, de filtration et d’alimentation se sont retrouvés hors-service. Les bassins ont été gravement contaminés par les écoulements de boue. Les images d’otaries nageant et pleurant dans une mare de boue ont frappé l’opinion publique, encourageant le lancement d’initiatives pour la fermeture définitive de Marineland.
 

Photo des bassins de Marineland pollués

Bien que le directeur de Marineland ait, dans un premier temps, reconnu une « casse animale » (un choix de vocable qui en dit long sur la considération des animaux et la politique du parc), les informations contradictoires se sont succédées.

Habitué à passer sous silence la réalité des conditions de capture, de survie et de mort des animaux parqués derrière les murs de Marineland, Bernard Gianpaolo a cherché une fois de plus à minimiser le drame, affirmant que la plupart des animaux étaient sains et saufs.

Sea Sheperd France n’a cependant pas tardé à donner un autre son de cloche : annonçant qu’une orque serait morte ainsi que toutes les tortues, tous les poissons, et plusieurs animaux du zoo pour enfants.

Le 12 octobre, Marineland est contraint d’annoncer la mort de l’orque Valentin, précisant « (n’avoir) à cette heure aucune explication sur les causes du décès. »

Le lendemain, Sea Shepherd France cite une source anonyme confirmant la présence de signes de pollution grave : eau trouble, présence de mousse blanche et marron en surface, boue collante et composée d’hydrocarbures au fond du bassin. L’association précise également que l’orque Wikie, née en captivité à Marineland en 2001, est isolée dans un bassin, prostrée, et qu’elle ne s’alimente presque plus. Blessée, elle a été attaquée par les autres orques devenues très agressives.

Le contact de Sea Shepherd se confie : "Ce spectacle est désolant, j'en ai la gorge serrée et une grande tristesse intérieure. Et ces bassins sont minuscules... J'ai un gros sentiment de honte."

Photo des orques dans les bassins pollués de Marineland

Cette catastrophe met une fois de plus en lumière l’incapacité de Marineland d’offrir aux animaux détenus captifs des infras-tructures adaptées à leurs besoins vitaux, et désormais de faire face aux réalités du changement climatique qui pourrait être à l’origine de cette tempête et de futures intempéries d’une puissance identique. Par ailleurs, la communication autour de cette situation de crise pointe à nouveau du doigt le manque de transparence et la politique de désinformation menée par la direction de Marineland.

Via la page Facebook de l’association, L214 a communiqué son soutien aux victimes humaines des inondations. Nous avons également relayé l’Opération oblitération pour demander à Mme Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développent Durable et de l’Énergie, la fermeture définitive de Marineland.

Le 25 octobre prochain, à l’initiative de l’association « Sans voix PACA », une manifestation et une marche silencieuse auront lieu à Antibes, en hommage aux animaux humains et non humains victimes de la catastrophe.

En refusant la réouverture du Marineland d’Antibes et en demandant la remise en liberté des animaux survivants, la France donnerait au reste du monde un signal fort et exemplaire contre l’exploitation des êtres sensibles et pour la fin des parcs animaliers. 


Bannière Olivier, coordinateur VegOresto à L214

Olivier, coordinateur VegOresto à L214

  • Article du Jeudi 8 octobre 2015

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Et si nous allions à la rencontre d'Olivier ? Aujourd'hui coordinateur de la campagne VegOresto, Olivier est depuis longtemps actif pour les animaux : lutte contre la corrida, engagement politique, militant à L214 ; il saisit toutes les occasions de les défendre, et sa détermination n'a d'égale que son optimisme !

Comment as-tu pris conscience de la souffrance des animaux ?

J’ai toujours aimé les animaux. J’ai grandi dans un petit village vers Avignon, entouré de chiens, de chats, de chèvres, de tortues, d’abeilles, de pigeons, de lapins… hélas, on mangeait les lapins. Quand j’avais une dizaine d’années, j’ai vu mon père en tuer : l’acte de cette mise à mort a été cauchemardesque, j’étais en pleurs ! C’est vraiment un souvenir assez violent. Ensuite, c’était impossible pour moi de les manger, heureusement ma mère ne me forçait pas. Il y avait d’autres viandes que j’étais incapable de manger : à l’époque, on mangeait de la cervelle et je trouvais ça répugnant, ou encore des cailles sur du pain cuites au four, et voir l’animal entier était abominable. D’ailleurs, l’industrie du lapin l’a bien compris puisque maintenant ils vendent les lapins découpés en morceaux. La vue de l’animal entier dégoûte de plus en plus les gens.

Le premier vrai déclic s’est fait quand j’avais 14 ans. Une de mes amies avait reçu une correspondante anglaise végétarienne, ce qui m’avait fasciné. Ma grand-mère était fille de boucher, un de mes oncles était boucher, et je n’avais même jamais imaginé que ça puisse exister ! Cette rencontre m’a rassuré car j’ai compris que je n‘étais pas le seul à être dégoûté par la viande.

Quand j’étais adolescent, des voisins ont invité mes parents à une corrida, on ne savait même pas ce que c’était. On est resté au maximum 20mn dans l’arène. On était assis devant et le taureau a vomi tout son sang à mes pieds. Ma mère s’est mise à hurler et on s’est fait « gentiment » sortir.

À 19 ans, alors que j’avais déjà choisi d’être pâtissier, j’ai ressenti le besoin de me rendre utile. J’ai réfléchi à la façon dont je pourrais agir, à mes passions, et la cause animale est venue de manière assez logique. J’ai écrit à la Fondation Brigitte Bardot (FBB), qui était une des associations animalistes les plus connues de l’époque, j’ai reçu les premiers magazines et ça a été comme une bobine de fil : tu tires et tu découvres des horreurs à n’en plus finir – et ça continue malheureusement aujourd’hui encore. Comme j’habitais dans le sud, le plus évident pour moi a été de m’investir dans les manifs contre la corrida. J’ai aussi acheté des cassettes de l’émission « SOS animaux » qui montraient, entre autres, l’horreur des abattoirs. Quand j’ai découvert tout ce qu’on pouvait faire aux animaux, je me suis dit « stop », je venais d’avoir 19 ans. Après 18 ans de végétarisme, je suis maintenant vegan depuis environ quatre ans, mais je n’achetais déjà jamais de cuir ou de produits testés depuis longtemps.

Comment ton entourage a-t-il vécu ton passage au végétarisme ?

J’ai eu une chance inouïe : ma mère est devenue végétarienne en même temps que moi ! Elle aussi a eu le déclic en recevant les magazines de la FBB, ça devait être quelque chose de sous-jacent chez elle, d’ailleurs elle avait toujours eu du mal à voir mon père tuer les lapins. Comme tous les repas de famille se passent chez mes parents, c’est ma mère et moi qui cuisinons, et je n’ai jamais eu de soucis pour ça. Aujourd’hui, ma mère est pour ainsi dire vegan, et j’ai aussi remarqué qu’en vieillissant mon père a développé plus d’empathie pour les animaux. Ma mère est aussi active pour les animaux via les réseaux sociaux, mais elle va aussi sur le terrain, par exemple à des actions contre la corrida, etc.

La personne avec laquelle je vis depuis maintenant cinq ans est devenue végétarienne, et elle est végétalienne à la maison. Il y a toujours un déclic, ça peut être une rencontre, un article, une photo ; pour elle, ça a été le fait de comprendre qu’une autre alimentation est possible qui lui a permis de rompre avec le schéma habituel.

Et professionnellement, comment ça se passe pour toi ?

Je suis enseignant pâtissier. Au début, j’étais végétarien, donc c’était très facile ! Je dois évidemment appliquer le référentiel, mais dans le cadre de projets pédagogiques j’organise des ateliers où je fais découvrir aux jeunes la pâtisserie végane. On a fait des cupcakes,des cookies et même des meringues, et on va faire des cheesecakes, des cannelés, etc. Je pense que ça fait partie de ma mission de professeur de leur faire découvrir la pâtisserie végane, en plus c’est l’avenir ! Et ce n’est pas difficile, ce sont juste de nouveaux réflexes à prendre.

"La pâtisserie végane, c’est l’avenir !"

Outre les gens qui ne souhaitent pas consommer de produits animaux par éthique, ils rencontreront forcément dans leur clientèle des personnes allergiques aux œufs ou aux produits laitiers. En tant que professionnels, nous devons savoir préparer des pâtisseries sans ces produits-là. Et au niveau technique c’est vraiment intéressant, par exemple de savoir comment remplacer les œufs pour lier les ingrédients entre eux : il y a les purées d’oléagineux, la banane, les graines de lin broyées, la crème de soja, le tofu soyeux, etc. Je leur présente aussi l’ensemble des laits végétaux qui existent, ça fait partie de ma mission pédagogique. J’aurais vraiment aimé avoir cette approche quand j’avais leur âge.

J’espère d’ailleurs vraiment que le projet de loi pour un menu végétarien sera validé, ce sera vraiment une grande avancée ! Ça montrerait aux enfants, et ce dès le plus jeune âge, qu’on peut vivre sans manger les animaux. Et quand on est jeune on est plus enclin à changer, on est souvent aussi plus optimiste.

Comment as-tu appris à faire des pâtisseries végétales ?

J’ai fait beaucoup d’essais à partir des livres de Marie Laforêt. J’ai également appris avec Wendy’s Kitchen : Wendy est une enseignante anglaise qui fait beaucoup de pâtisseries véganes, et je l’ai d’ailleurs fait intervenir dans mes cours.

Et qu’est-ce qui t’a amené à t’investir pour les animaux avec L214 ?

Il y a quelques années, j’ai rencontré Bérénice via un tractage incitant Monoprix à ne plus vendre d'oeufs de batterie, le cadre était très pro et j’ai accroché tout de suite. L’approche de L214 qui consiste à être au contact des gens dans la rue était nouveau pour moi et vraiment très enrichissant. J’ai participé à toutes sortes d’actions. Je trouve que la Marche pour la fermeture des abattoirs est un moment très fort, pour moi c’est vraiment LE jour de l’année !

"Pour les animaux,
on n’a pas le droit de se diviser."

L214 donne la chance aux militants de participer à différentes actions régulièrement, qui sont bien cadrées et respectueuses des gens, avec un réel échange et en même temps des positions bien fermes. Ça correspond tout à fait à la façon dont je conçois la protection animale actuellement, ça et la nécessité de rester soudés. Quand il y a des conflits entre associations, ça dessert la cause, c’est du gaspillage d’argent… On peut ne pas être d’accord, mais pour une cause aussi importante, il faut remballer sa fierté et son orgueil, on n’a pas le droit de se diviser. Les animaux n’ont pas le droit de subir toutes nos conneries. C’est l’union qui fait la force.

 

 

Tu es aujourd’hui très investi dans la campagne VegOresto, tu peux nous en dire plus ?

S’il faut bien sûr dénoncer toutes les horreurs, il faut aussi apporter une solution, et la campagne VegOresto de L214, c’est la solution : les gens voient qu’on peut manger autrement, ils découvrent de nouvelles saveurs, une nourriture saine et équilibrée. Ça facilite le quotidien de ceux qui sont déjà végés et ça ouvre la porte vers le végétalisme aux autres.

Depuis un an et demi, je suis référent VegOresto sur Vannes, et depuis peu de temps j’aide aussi au niveau national.

À Vannes (60 000 habitants) et ses alentours, on a déjà huit restaurants qui ont signé la charte ! Cette campagne me demande pas mal d’investissement mais c’est vraiment passionnant et c’est un engagement dans la continuité : toutes les semaines je fais quelque chose pour VegOresto. Après, je réponds aussi présent dès que je peux pour les autres actions de L214.

Tu as déjà conscience que, grâce à toi, des milliers d’animaux ont déjà été épargnés ?

J’avais trouvé sur Internet un site qui permettait de calculer combien d’animaux tu avais sauvé en étant végétarien ou vegan. C’était énorme ! Je crois que ce combat, le fait d’avoir épargné toutes ces vies, c’est la plus grande fierté de toute ma vie.

Quand je vais dans le Sud pendant les vacances, si je peux j’en profite pour participer à des actions anti-corrida. D’ailleurs, je suis sûr que, de mon vivant, je verrai la fin des corridas et parfois je me dis même que ça peut aller très vite. La corrida, c’est la mort montée en spectacle, c’est abominable.

Olivier à la Marche pour la fermeture des abattoirs

"Une semaine sans faire quelque chose
pour les animaux,
c’est une semaine de perdue."

Si je peux me rendre utile à la cause animale je le fais, la souffrance est tellement abyssale qu’une semaine sans faire quelque chose pour les animaux, pour moi, c’est une semaine de perdue.

Militer permet aussi de rencontrer des gens intéressants, il ne faut pas rester isolé. J’ai vu des végétariens remanger de la viande parce qu’ils étaient trop isolés. En même temps, je trouve ça absurde de rester tout le temps entre végans : si on veut que les choses avancent, il faut rencontrer des gens non végans, on peut essayer de provoquer le déclic, et puis il faut qu’ils voient qu’on est des gens tout à fait normaux qui avons juste choisi d’arrêter de cautionner toutes ces horreurs. Des gens m’ont dit que maintenant ils ne voient plus de la viande, mais l’animal qui a été derrière.

Ce qu’il faut, c’est vraiment convaincre l’opinion publique, ouvrir les yeux aux gens, et les politiques iront aussi dans le bon sens.

D’ailleurs, tu t’es aussi engagé en politique ?

Oui, à une action anti-corrida j’ai rencontré Jean-Marc Governatori qui m’a proposé de m’engager pour l’Alliance écologiste indépendante, qui a un programme intéressant pour les animaux, par exemple, elle est pour l’abolition de la corrida et le végétarisme. En 2012, je me suis donc présenté pour les législatives en tant que représentant de l’Alliance, ce qui m’avait permis de bien mettre la cause animale en avant lors des interviews. Mais j’ai trouvé que j’étais plus utile sur le terrain, que c’était plus concret, et peu de temps après je me suis engagé avec L214.

Note : de nombreux livres de Marie Laforêt sont disponibles sur notre boutique en ligne.