Bannière Comprendre notre obsession pour la viande afin de mieux nous en passer : entretien avec Marta Zaraska

Comprendre notre obsession pour la viande afin de mieux nous en passer : entretien avec Marta Zaraska


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Marta Zaraska est journaliste scientifique. Elle est l’autrice de Meathooked (« accros à la viande », non traduit en français), un ouvrage sur le contexte historique et scientifique de notre obsession pour la viande. Elle a répondu à nos questions.

Les humains ont-ils toujours mangé de la viande ?

Cela dépend de ce qu’on entend par « humains ». Si on se limite à Homo sapiens, alors oui, nous avons toujours mangé de la viande. Nos ancêtres hominidés ont commencé à en consommer il y a environ 2,5 millions d’années, soit bien avant l’émergence d’Homo sapiens. Pour nos tout premiers ancêtres, c’était une excellente source de nourriture. Comparée au reste de leur alimentation, qui était en général assez pauvre et se composait même, pour certains, d’herbes et d’écorces d’arbres, la viande regorgeait de calories, de protéines et de nutriments. C’est précisément pour cette raison que certains chercheurs considèrent que la viande nous a rendus humains. Ses qualités nutritives ont permis à nos cerveaux de se développer et ont grandement amélioré l’alimentation de nos ancêtres.

Mais cela prête à confusion lorsqu’on essaie d’appliquer le vécu de nos premiers ancêtres à la vie moderne. Le fait que la viande était excellente pour, disons, Homo erectus ne signifie pas qu’elle l’est pour un Européen du XXIe siècle. Pour nos ancêtres, qui ne disposaient pas de l’incroyable diversité nutritionnelle que nous avons aujourd’hui (pas de lentilles, de haricots, de tofu, ni de sandwichs au beurre de cacahuètes), la viande était la meilleure option pour éviter de mourir de faim. Ils ne s’inquiétaient pas des maladies que sa consommation peut engendrer (diabète, cancer ou maladies cardiovasculaires), parce que celles-ci ont tendance à se déclarer assez tard dans une vie, vers la cinquantaine ou la soixantaine. La majorité de nos ancêtres ne vivaient pas si longtemps.

Pourquoi aimons-nous autant la viande ?

Je fais souvent la comparaison avec le sucre. Nous avons évolué pour aimer et rechercher les choses sucrées parce que, pour nos ancêtres, un goût sucré était synonyme de calories. Plus ils consommaient de calories et mieux ils se portaient, car ils risquaient moins de mourir de faim. Mais il y a des centaines de milliers d’années, on trouvait du sucre dans des fruits bien mûrs, pas dans des cookies et du Nutella.

De nos jours, même si la plupart d’entre nous ne connaissent pas la famine au quotidien, nos papilles nous induisent en erreur et nous font rechercher ce goût sucré. C’est la même chose avec la viande. Un morceau de zèbre mort remplit mieux l’estomac qu’une poignée de baies. Nos papilles ont donc évolué pour rechercher le goût de la viande (l’umami pour les protéines, le gras pour les calories et le salé, rare dans la nature) parce que nos ancêtres en consommaient pour éviter la famine.

Nous avons aussi tendance à aimer l’odeur et la saveur de la viande grillée, qui résultent en général de ce qu’on appelle la réaction de Maillard (ndlr : réaction chimique qui fait brunir les aliments lors de la cuisson). Ces arômes nous semblent particulièrement délicieux parce qu’ils indiquent que la viande a été cuite, et donc débarrassée des potentiels vilains parasites et bactéries : il est sûr de la manger.

En quoi comprendre le contexte historique et scientifique de notre relation à la viande peut nous aider à arrêter d’en manger ?

En comprenant ce qui nous attire particulièrement dans la viande (le goût umami des protéines, le sel, le gras, les saveurs de la réaction de Maillard), on peut le recréer avec d’autres aliments. On peut par exemple manger un sandwich grillé à l’avocat (pour le gras) et aux champignons (pour l’umami).

De plus, une fois que l’on comprend pourquoi nous avons évolué de façon à aimer la viande (afin d’éviter la famine) et que cela n’a rien à voir avec nos objectifs actuels (vivre en bonne santé jusqu’à 80, voire 90 ans), on peut alors voir pourquoi la viande ne nous est plus nécessaire et s’en détacher. Oui, la viande était bonne pour nos ancêtres. Mais nos priorités ont changé, et c’est ce que doit aussi faire notre alimentation.

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Propos traduits de l’anglais.